• Comme vous le savez peut-être si vous suivez ce blog, je suis un féru de Philosophie (et de Sciences humaines en général, les institutions enseignent les Sciences dures m'ayant trop déçu !). C'est donc avec un certain plaisir que je me suis lancé dans la lecture de Un siècle de philosophie  1900 - 2000, épais ouvrage de près de 700 pages, ce qui est encore bien peu pour ne serait-ce que "résumer" cette période ! C'est paru chez Gallimard en Folio Essai et ai emprunté ce livre à la Bibliothèque d'un Séminaire.

    C'est donc un ouvrage collectif de Karl-Otto Apel, Jonathan Barnes, Enrico Bellone, Catherine Chevalley, Gerald A. Cohen, Jean Cournut, Vincent Descombes, Pascal Engel, Pierre Guenancia, Jürgen Habermas, Alain de Libera, Kevin Mulligan, François Recanati, Paul Ricœur, Jerome B. Schneewind, John R. Searle, Salvatore Veca, Michael Walzer et de Daniel Widlöcher. Soit une vingtaine d'articles qui offrent un tour d'horizon.

    La philosophie au XXe siècle a profondément transformé ses objets, ses méthodes, ses interrogations - qu'elle traitât de la métaphysique, du langage, de la phénoménologie, de l'éthique ou bien encore des concepts de la science, voire de sa propre histoire. Plus que jamais, les frontières avec d'autres champs de savoir sont devenues poreuses ; plus fortes aussi les intrusions d'autres modalités de mise en forme du monde - à commencer par l'idéologie marxiste ou la psychanalyse.

    Ce n'est pas à l'exhaustivité que vise cet ouvrage : un volume n'y suffirait pas. Il entend plutôt jeter quelques coups de projecteur pour aider à éclairer le motif de ce qui, du fait d'une trop grande proximité dans le temps - puisque le XXe siècle philosophique était encore il n'y a pas si longtemps le nôtre - demeure un puzzle.

    Comme ce siècle philosophique presque écoulé aura été marqué par l'opposition, plus souvent artificielle que réelle, entre une tradition continentale et une tradition anglo-saxonne, les contributeurs ont préféré, dans certains cas, apporter des réponses à deux voix. Afin, justement, de fausser la perspective des lieux communs et de montrer qu'il y a parfois plus convergence que divergence.

    On retrouve donc les philosophes de ce siècle, depuis Bergson, Husserl, Heidegger, Wittgenstein pour ne citer que les plus célèbres. Les chapitres sur l’Épistémologie sont ceux qui m'ont le plus passionné mais je ne suis pas insensibles aux questions portant sur le langage. Par mon vécu personnel, les pages sur la psychanalyse me parlent aussi !

    Je ne rentrerai pas dans le détail mais ce livre est un bon filon pour exercer sa pensée ! Je reprends juste en fait dans ce billet le quatrième de couverture qui résume bien l'ouvrage et son esprit !

    L'an prochain et l'année suivante, vous aurez droit à pleins de billets "Philo" car je reprends cette partie de cursus de mes longues et passionnantes études !

    A bientôt !


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  • L’Épistémologie, autrement dit tout ce qui touche à la philosophie de la connaissance me passionne, à tel point que j'envisage de faire une thèse la-dessus ! Ils se sont mis à pas moins de trois auteurs, Anouk Barberousse, Max Kistler et Pascal Ludwig pour nous pondre La philosophie des sciences au XXe siècle, en Champs-essais, ouvrage assez pointu qu'on réservera aux initiés ! L'essai soulève nombres de problèmes fondamentaux par rapport aux sciences, la question de l'empirisme, de l'induction, de l'expérimentation ou encore la remise en cause de la causalité, la notion de loi !

    Cet ouvrage se livre à une critique et à une remise en cause de la science à l'image du chapitre "La mise à l'épreuve du monde". Cette mise à l'épreuve qui est le moteur de la science depuis le XVIIe siècle ! Peut-on réduire la science à quelques principes, ce qui serait revenir à une forme de déterminisme ?

    Le Cercle de Vienne, historiquement, s'est intéressé à la justification des énoncés scientifiques par l'expérience. Il existe des "énoncés protocolaire" et le physicien Pierre Duhem a montré, au début du XXe siècle, l'importance des équipements expérimentaux dans les protocoles et que chaque expérience inclut une part de théories ne serait-ce que pour justifier le fonctionnement des détecteurs ! On sépare aussi traditionnellement observation  - qui conduit à formuler des hypothèses - et expérimentation - qui valide ou pas ces hypothèses !

    A l'encontre d'un certain positivisme, la probabilité s'est aussi invitée dans les sciences !

    On cite également les travaux de Wittgenstein et Popper - sur la réfutabilité pour ce dernier - et on appuie sur le caractère incertain - probabiliste donc - des sciences et de la connaissance ! Rappelons au passage que dès Aristote, on établit qu'il n'y a de science que du général !

    Les références abondent dans cet ouvrage : Laplace, Bas van Fraassen et le  modèle bayesien. Pour tout vous dire, je ne peux vous en parler pour le moment car ai très peu étudié la question et ça me dépasse un peu mais une des problématique est comment on sort du modèle probabiliste, entre déterminisme et indéterminisme.

    Le livre se décline en 10 chapitres suivis de présentations et de définition de concepts et enfin quelques paragraphes sur les principaux auteurs de l'épistémologie et leurs controverses !

    Voilà, j'en resterais là pour cette rapide présentation ! Un ouvrage très ardu qui invite à d'interminables approfondissement ! Les chapitres sur la nécessité des lois de la Nature - dont pour ma part, je me demande avec Étienne Klein, si elles sont inclues dans l'essence-même des choses ou "gravées " en dehors du monde, et sur le principe de causalité sont également très intéressants mais demandent au lecteur de "s'accrocher" pour bien comprendre - de lire lentement et de relire ! Mais c'est instructif et enrichissant ! Très !

    Ce genre de questionnement devrait faire partie des prérequis de tout étudiant en science mais ai trop souvent mis de côté dans les cursus - les premières années mais même par la suite et c'est dommageable et très regrettable ! C'est une "culture" que le scientifique doit acquérir par lui-même tout comme l'Histoire de sciences, de sa discipline et les questions d'éthique !

    A bientôt !


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  • C'est décidé, l'an prochain, en 2020 - 2021, je reprends mes études de Philosophie ! En guise de mise en bouche, je viens de lire Le Temps des Magiciens  qui s'intéresse à la décennie 1919 - 1929 du point de vue de l'Histoire des Idées avec une biographie croisée de quatre inventeurs de concepts de cette période : Ludwig Wittgenstein, Walter Benjamin, Martin Heidegger - qui voulaient bousculer l'institution universitaire allemande et le plus académique et installée Ernst Cassirer.

    J'ai adoré ce bouquin et ça se lit d'une traite ! L'auteur du livre, un journaliste allemand, Wolfram Eilenberger a réalisé ici un travail magistral, nécessitant beaucoup d'érudition et une bonne capacité de synthèse pour jongler entre ces quatre vies hors-normes. L'ouvrage est sous-titré "l'invention de la pensée moderne".

    En effet, les travaux de ces quatre grands philosophes ont des points de convergence, comme la philosophie du langage ou l'étude des symboles et des mythes. Je pensais ici vous faire une présentation de chacun de nos quatre penseurs mais le ferais un autre jour dans des articles plus spécifiques -  en attendant, je peux vous renvoyer à ma série de billets sur Etre et Temps d'Heidegger !

    Cette décennie est véritablement un temps de bascule pour la Philosophie qui était entrée dans une période d'endormissement. Ernst Cassirer prolonge le grand humanisme kantien. Ludwig Wittgenstein oscille de la logique à l’éthique. Walter Benjamin réinvente la critique culturelle. Ces trois-là, juifs libéraux, vont subir l’exil forcé et même la mort dans le cas du dernier. On connaît le fourvoiement de Martin Heidegger pour le nazisme. Celui-ci interrogeait l'Être - le Dasein - et l'authenticité.

    Tous nos penseurs sont Allemands hormis Wittgenstein qui est Autrichien. Mais ce sont tous des Germanophones ! On nous parle aussi de l'Allemagne de ces années-là, la République de Weimar et les années de crise pour le pays?

    Le panorama oscille sans cesse de ces hautes sphères à la vie privée, voire intime, des protagonistes. On passe, par exemple, de la relation adultère (le classique prof-étudiante) entre Heidegger et Hannah Arendt aux innombrables visites aux bordels de Benjamin. Les pages consacrées à Wittgenstein recèlent de tellement de rebondissements incroyables qu’elles valent à elles seules la lecture. Le livre ouvre sur sa soutenance de thèse à Cambridge, où le candidat autrichien, qui a renoncé à sa fortune de fils de milliardaire, tape avec indulgence sur l’épaule des évaluateurs (G. E. Moore et B. Russell !) criant eux-mêmes au génie, en leur disant : « Ne vous en faites pas, je sais que vous ne comprendrez jamais. ».

    https://vimeo.com/357852418

    J'ai aussi beaucoup aimé les passages sur Aby Warburg, cet érudit bibliophile et schizophrène à qui j'ai consacré aussi un article par le passé (sur son étrange bibliothèque) !

    La lecture de ce livre en est un peu ardue par moment et cela demande de la concentration mais c'est une expérience agréable !  Pas vraiment un roman, ni un essai, ça se lit comme un roman ! A conseiller !

    Le livre a eu le Prix du Meilleur Livre Etranger 2019 - catégorie Essais !

    A bientôt !


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  • Les Méditations métaphysiques ou "Méditations sur la philosophie première" est un ouvrage qui fit date dans l'Histoire de la Philosophie. Publié en 1641, on peut le considérer comme un prolongement du Discours de la Méthode de 1637 car Descartes y pousse encore plus loin ses idées et ses réflexions, sur le Cogito, sur l'âme et le corps et sur l'existence de Dieu. Le livre consiste en Six Méditations suivies de sept séries d'Objections, formulées à l'époque, auxquelles l'auteur répond. Enfin, cet ouvrage, ardu, a connu de multiples interprétations au fil du temps.

    Dans le Première Méditation, Descartes revient sur la valeur du doute, ce qui nous permet de disposer d'une véritable théorie de la connaissance ou Épistémologie. Il s'agit ici, en guise de point de départ, de faire table rase et l'auteur montre que beaucoup de nos certitudes viennent de l'enfance et qu'il faut s'en défaire.

    On passe alors du "doute naturel" au doute "hyperbolique" et des arguments viennent restreindre ce qui est connaissable. Ainsi nos sens nous trompe ou nous pouvons être atteints de folie qui nous fait aussi nous tromper. On mentionnera aussi l'argument du rêve où les choses me paraissent aussi réelles que dans la veille au moment où je rêve - qui dit alors que je ne rêve pas en ce moment ? Et enfin, l'argument du Dieu trompeur et du malin Génie.

    Dans la Seconde Méditation, Descartes cherche à trouver un "point fixe et assuré". Il démontre alors que lui-même existe en tant que chose pensante mais il s'agira ensuite de connaître plus de chose que la seule conscience de notre existence. C'est aussi dans cette Méditation Seconde qu'il y a le fameux passage du morceau de cire dont la conclusion est que nous abordons davantage les choses par notre entendement que par nos sens. Au final, l'esprit est plus facile à connaître que le corps. Qu'est-ce qui relie l'âme et le corps est alors la grande question.

    La Méditation Troisième est le moment où Descartes entend prouver l'existence de Dieu. L'auteur parle des idées "claires et distinctes" et de trois types de pensées : les idées, les volontés et les jugements. L'argument pour démontrer l'existence de Dieu est que Dieu étant perfection et infini, moi, être fini, je ne peux donc le concevoir et donc si j'ai l'idée de Dieu et moi, c'est parce que c'est le Tout Puissant qui l'a mise dans mon esprit ! Imparable et logique !

    La Quatrième Méditation aborde l'origine des erreurs. Si Dieu est bonté absolue, pourquoi aurait-il fait un Homme qui se trompe ? Le but de Dieu n'était pas de faire l'Homme le plus parfait possible mais le Monde le plus parfait possible (pensée qui anticipe déjà celle de Leibniz !). L'imperfection de l'humain est peut-être nécessaire à la perfection du monde ? Pourtant quand on voit le désastre écologique aujourd'hui, on aimerait que l'Homme soit plus prévoyant !

    La source de l'erreur chez l'humain ne vient pas de notre entendement limité mais de l'amplitude de notre volonté qui nous confère une liberté de choix. Or, nous pouvons faire les mauvais choix et il faut maintenir notre volonté dans les limites de notre entendement. Il faut s'abstenir de tout jugement et de tout exercice de la volonté qui est la source de nos erreurs donc !

    La Méditation Cinquième parle des choses matérielles, des corps. Les idées claire et distinctes assurent la fiabilité de nos connaissances mais sur les corps, sur l'étendue, nous n'avons aucune certitude et nous connaissons mieux notre esprit (la médecine aujourd'hui ne serait sans doute pas d'accord ?).

    L'essence des choses matérielles est l'étendue. Ensuite Descartes apporte une deuxième preuve de l'existence de Dieu si la première n'avait pas suffit. L'essence de Dieu est d'être perfection et d'avoir toutes les qualités au point le plus haut, voire infini, donc Dieu possède aussi la qualité, l'attribut qu'est l'existence sinon il ne serait pas parfait !

    Le Sixième et dernière Méditation traite enfin de la question de l'Union de l'âme et du corps (Descartes y reviendra dans son Traité des Passions de l'âme). L'âme est distincte du corps et alors qu'elle est immatériel et inétendue, comment peut-elle être localisé dans l'espace, unie au  corps qui est de l'étendue ? L'esprit relève de pensées, substance pensante. Il y a les vérités de l'esprit - qui sont placées en moi par Dieu - et les vérités du corps (les sens par exemple) qui sont obscures et confuses.

    C'est la douleur qui nous permet de savoir que nous avons un corps, que nous ne sommes pas que pensées ! L'Union de l'âme et du corps se fait, pour Descartes, par le biais de la glande pinéale, mais surtout par la connaissance non pas par la clarté et distinction des idées mas par sentiment.

    A la fin des Méditations, on est sorti du doute. Seule la question du rêve n'est pas résolue ! Mais là, Descartes pose que dans le rêve, mes pensées sont désordonnées et pas liées entre elles. Si elles le sont, c'est donc que je suis éveillé ! Le monde autour de nous est une construction de nos pensées, la liaison de nos idées ! C'est le sujet qui construit le monde ! Descartes annonce Husserl et la Phénoménologie (Husserl écrira des Méditations Cartésiennes). Descartes achève son ouvrage sur une remarque sur la finitude et la faiblesse de la connaissance, le monde n'est jamais fini, toujours à construire et c'est le but sans fin des Sciences qui connaissent alors un nouvel essor après Descartes (et Francis Bacon) !

    L'ouvrage ne s'arrête en réalité pas là car il y a encore après pour encore plus long de textes avec les sept Objections, pointues, tout comme les réponses du Philosophe de la Haye mais ça nous entraînerait trop loin !

    A bientôt !


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  • Voici ce soir un ouvrage qui n'est pas d'un abord facile ! La philosophie de Gilles Deleuze est un livre ardu mais au La philosophie de Gilles Deleuze - Jean-Clet Martincombien passionnant de Jean-Clet Martin, philosophe et écrivain, spécialiste du Philosophe qui développa les concepts de Pli, rédigea Mille Plateaux ou encore L'Anti-Oedipe - avec Félix Guattari - et qui gravement malade se suicida en 1995 en se défenestrant !

    Le texte nous présente l’œuvre de Deleuze en la resituant par rapport à la tradition philosophique antérieur, Descartes, Kant, Leibniz, Nietzsche, Husserl, Heidegger, etc,... Le tout décliné en plusieurs "Variations" qui abordent autant d'aspects de cette oeuvre généreuse.

    Par exemple la première variation porte sur l’Éthique et l'Esthétique. Deleuze s'y distingue par rapport à Kant. En effet, Kant dans sa Critique de la Raison Pure s'est efforcé de territorialiser l'esprit humain en autant de facultés et de penser le monde entre sujet et objet, un objet empiriquement déterminé ! Deleuze, si j'ai bien compris le propos et pour résumer grossièrement, pense plutôt les données perceptives en termes de divergences et de possibles - et on verra bientôt surgir la notion de rhizomes ! C'est aussi le rôle des artistes de sentir et de rendre réel les virtualités !

    Les grands thèmes et idées de Deleuze sont bien entendu abordés aussi comme le "corps sans organes" où l'un encore le corps se déterritorialise, où des organes sans rapport direct communiquent entre eux ("voir avec les oreilles), concept à rapprocher de l'hystérie. Ou encore les "machines désirantes" !

    Mais laissons parler l'éditeur de Jean-Clet Martin : "L'une des meilleures introduction à la pensée de Gilles Deleuze, qui est une philosophie de la vie, du concret. Elle embrasse et donne sens à un monde contemporain fragmenté, éclaté, chaotique, tout en variations, avec des bouleversements, des révolutions qui ne sont pas seulement le fait de l'économie ou de la politique. S'y décide une réforme de nos sensations, de nos pensées, redevables aux créateurs d'images et de concepts dont le cinéma et la philosophie ne manquent pas d'exemples."

    Car Deleuze est aussi l'ami des concepts et il estimait que le rôle de la philosophie était de "forger des concepts" (comme disait une de mes connaissances : "On trouve même des nouveaux concepts de restaurants chez certaines enseignes comme Flunch."). Je vous renvoie aussi à mon article sur "Qu'est-ce que la philosophie ?" de Deleuze et Guattari, livre où sont longuement évoqué les concepts et le "plan d'immanence" !

    Voilà, en fait je ne vous détaille pas les autres "variations" de ce livre car pour tout vous dire n'en suis qu'au tiers de ma lecture (ce qui est suffisant pour avoir une idée du type d'ouvrage et de sa teneur) et je vous laisse le découvrir par vous-même si vous êtes féru de philosophie car c'est le genre d'ouvrage qu'il vaut mieux lire soi-même en étant concentré.

    Je lirai et vous présenterai dans le futur l’œuvre de Deleuze ! Je vous renvoie aussi à mon billet sur Pourparlers (1972 - 1990).

    A bientôt !


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  • J'inaugure avec ce billet une rubrique "Théologie" sur mes blogs ! Je précise d'emblée que je ne suis pas croyant mais respecte le fait de l'être !

    La Philosophie a beaucoup disserté sur le concept de vérité, comme alethea - dévoilement et réminiscence - ou encore comme adéquation du discours au réel ! Mais que dit la Religion, la Bible sur ce sujet ? C'est ce que va nous révéler Pierre Gibert, jésuite et docteur en théologie en passant en revue Ancien et Nouveau Testaments, de la Genèse aux Livres des Rois, en passant par les Psaumes puis les Évangiles et l'Apocalypse de Jean.

    Pierre Gibert commence par poser que la Bible ne peut plus être prise au sens littéral, au pied de la lettre après des siècles d’exégèse et les dernières découvertes historiques. La Bible est un assemblage de différents texte, une "Bibliothèque", écrits par différents auteurs et regroupés par différents rédacteur en un ensemble qui doit faire sens pour affirmer l'identité du peuple d’Israël, faire union.

    La Bible contient-t'elle des vérités historiques ou n'est-elle que fables, mythes et légendes ? Si le caractère historique n'est pas toujours affirmé, il y a bien une vérité de sens, non dans les faits mais dans le rapport à Dieu.

    L'ouvrage nous parle ensuite des Prophètes qui, dans leur relation intime à Dieu, disent la vérité de celui-ci ! On distingue alors les faux prophètes qui délivrent leur message en groupe mais ne disent pas la vérité, soucieux de plaire aux puissants, et les vrais prophètes qui mènent leurs barques seuls, dans un rapport plus personnel à l’Éternel !

    Sont abordés ensuite les livres de Sagesse et les Psaumes. Tout un propos philosophique est tenu sur la vérité à travers notamment les Proverbes ! Il est question aussi de sagesse populaire. Dieu est la vérité car il est le vrai Dieu en opposition aux faux-dieux !

    On évoque ensuite le Christ et son message. Il est la vie, la vérité et la liberté car vérité et liberté vont de paire ! Le terme de vérité revient maintes fois dans les Évangiles car la vérité est dans le Christ.

    On termine avec l'Apocalypse et Pierre Gibert insiste sur le caractère de vision du message de Jean qui doit nous redonner l'espoir et la Foi.

    Voilà, je ne détaille pas trop pour ces premiers billets et approfondirai lorsque j'aurai lu plus d'écrits religieux !

    A bientôt !


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  • Dans les années 1950, le monde intellectuel est en pleine effervescence ! Dans ce contexte, un homme, Maurice Merleau-Ponty, inspiré par la phénoménologie de Husserl, antistalinien contre son ami Jean-Paul Sartre et défenseur du projet structuraliste, va promouvoir les sciences sociales.

    Merleau-Ponty est né à Rochefort-sur-Mer en Charente-Maritime le 14 mars 1908. Il fait ses études secondaires au Havre puis à Paris au lycée Jeanson-de-Sailly où il obtient son Baccalauréat et le prix d'excellence en Philosophie. Son père étant un officier d'artillerie décédé trop tôt, il vit avec sa mère puis intègre la classe préparatoire au lycée Louis-le-Grand  et enfin l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm, lieu de l'excellence !

    C'est en 1926, lors d'une soirée étudiante agitée qui vire à la bagarre que Merleau-Ponty rencontre Sartre. Ils seront amis jusqu'à leur rupture, pour différent politique, en 1952.

    Merleau-Ponty ne s'intéresse tout d'abord pas autant que Sartre à la politique, par contre, il est très religieux, traditionaliste Pratiquant, il va à la messe tous les dimanches.

    Reçu second à l'agrégation de Philosophie en 1930, Merleau-Ponty devient professeur dans le secondaire à Beauvais (1931 - 1933) et à Chartres (1934 - 1935) puis devient caïman, c'est à dire agrégé-répétiteur à Ulm de 1935 à 1939.

    Ses recherches sur la perception le conduisent à étudier la phénoménologique de Husserl qui veut faire de la Philosophie une science et doit nous permettre de reprendre contact avec le monde que nous ne voyons plus car nous sommes immergés dedans ! Merleau-Ponty ira notamment étudier les Archives Husserl à Louvain mais cette tâche sera interrompue par la guerre où notre intellectuel est mobilisé jusqu'à l'étrange reddition de l'automne 1940. Il sera ensuite professeur au  lycée Carnot jusqu'en 1944 puis au lycée Condorcet en 1944 - 1945.

    Avec Sartre et Simone de Beauvoir, Merleau-Ponty fonde la revue Le Temps modernes en 1945. Docteur en Lettres en 1945, il est élu professeur à l'Université de Lyon jusqu'en 1948, année où il rejoint la Sorbonne en tant que professeur de psychologie de l'enfant et de pédagogie. En 1952, il est au sommet de sa carrière, lorsqu'il est élu au Collège de France !

    En 1947, Merleau-Ponty se montre lucide face au stalinisme, contrairement à Sartre car cette année, il publie Humanisme et terreur. Ceci dans le contexte où une réflexion globale sur le marxisme et la terreur est lancée ! Notre penseur conteste la figure du Commissaire qui vise à l'efficacité par opposition au Yogi, incarnation de la morale tels que présentés dans Le Yogi et le Commissaire, livre de 1945 d'Arthur Koestler qui a participé à lancer la réflexion mentionnée plus haut.

    Pour Merleau-Ponty, les choses relèvent de la dialectique, le mariage et le dépassement des contraires, et la figure du prolétaire est une réalisation possible des valeurs humanistes. Pour Merleau-Ponty, le marxisme est encore l'horizon indépassable, comme pour Sartre.

    Humanisme et terreur  est violemment attaqué par les staliniens qui s'opposent au refus de l'auteur du glissement du prolétaire vers le commissaire ! Pour ces irréductibles, le stalinisme est l'idéal de libération de l'Humanité ! Pour Merleau-Ponty, ce glissement est une forme de dégénérescence ! Il ne suit pas Sartre dans sa conception du Parti considéré comme un ordre religieux et considère que le stalinisme s'est éloigné du marxisme. Il propose de juger sur pièces ce régime ! C'est la rupture avec Sartre !

    Un autre penseur a beaucoup compté pour Merleau-Ponty, c'est l'anthropologue Claude Lévi-Strauss ! La réciproque est vraie et Lévi-Strauss conservait un portrait de Merleau-Ponty sur son bureau. La pensée de Merleau-Ponty sera influencée par la linguistique et la sémiologie - si importantes dans la genèse du structuralisme - et la psychanalyse. Il appelle en outre à un travail commun entre  la Philosophie et la Sociologie. Bref, il engage alors des dialogues multiples entre les disciplines.

    A cette époque, l'anthropologie connaît de grandes avancées et c'est désormais à la Philosophie de se situer par rapport à elle et non plus l'inverse ! Les Temps modernes s'ouvrent aux travaux de Michel Leiris et Lévi-Strauss. Dans l'opération la Philosophie perds ses certitudes !

    Merleau-Ponty décède d'un arrêt cardiaque soudain à sa table de travail en 1961, le 3 mai, à l'âge précoce de 53 ans. Ce fut une perte énorme pour la pensée et son ami Sartre prononça l'éloge funèbre.

    Voilà pour ce rapide tour d'horizon dont la matière première a été fournie par un article de François Dosse dans le Sciences humaines N°323 de Mars 2020.

    A bientôt !


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  • Quelle la place de l'Homme dans nos sociétés contemporaines ? Se revendiquer de l'Humanisme a-t'il encore un sens ? L'Homme qui a évacué Dieu n'est-il pas en train de détruire la planète, et dès lors son existence sur Terre se justifie-t'elle ?

    Placer l'Homme au centre du Monde a été le projet des Humanistes de la Renaissance. Mais cette conception a été mise à mal depuis, notamment avec la technique et l'apparition des machines. Cet Humanisme a connu différents moments . On a d'abord pointé le statut différent de l'Homme puis on a ensuite posé sa position comme plus haute que les autres êtres vivants puis comme la position la plus haute d'un point de vue superlatif ! Déjà avec le Christianisme, Dieu n'avait-t'il pas choisi de s'incarner préférentiellement en l'Homme ?

    Né en 1947, Rémi Brague est un philosophe et historien de la philosophie. Il a donné en 2011, à Louvain, une série de conférence sur l'Humanisme, qu'il rassemble par la suite ici dans son ouvrage Le propre de l'homme - sur une légitimité menacée.

    Dans cet ouvrage, l'auteur montre que la philosophie moderne peine donc à justifier l'existence de l'Homme et aussi que le projet  athée des temps moderne a échoué. Il mentionne certains penseurs passés qui avaient montré qu'une société sans Dieu est possible mais que c'est une société inhumaine ou encore que l'homme est devenu une "bête intellectuelle", dépourvue de thumos régulateur (pour reprendre les trois parties de l'âme de Platon).

    On croisera dans ce livre nombre de références : Gunther Anders, Martin Heidegger, les "Frères sincères" (des érudits du Moyen-Orient a qui on doit des Epitres dont une "fable écologique"), le russe Alexandre Blok ou encore Michel Foucault (avec qui on a opposé le prétendu "Structuralisme" à l'Humanisme et à l'Existentialisme Sartrien) et Hans Blumenberg.

    On revient aussi sur les Textes Sacrés, la Bible, le Coran, la sagesse grecque et les Gnostiques. La conclusion de l'auteur est qu'il faut en revenir à un nouveau Moyen âge (pas dans le sens obscurantiste) et à la spiritualité religieuse. Après tout, c'est un ensemble de conférences formulées dans le cadre d'une Université Catholique !

    Un ensemble de conférences bien prenantes et passionnantes qui mériteront d'être complétés par d'autres lectures (par exemple ceux mentionnés dans les bibliographies de notes de bas de pages) ? C'est un travail sérieux et amplement documenté que nous livre ici Rémi Brague et qui ouvre de nombreuses pistes de réflexion. J'étais tellement pris par cette lecture que j'en ai lu les  presques 250 pages en l'espace d'une soirée !

    Profitez du confinement imposé à la population pour vous cultiver comme moi !

    A bientôt !


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  • On retrouve André Comte-Sponville, le philosophe qui donne des conférences aux pontes du CAC 40 leur expliquant que la morale n'a pas sa place en économie, le gars a tout compris, là où était l'argent ! Bref je suis assez dubitatif sur cet intellectuel mais bon passons !

    Un "impromptu" est une petite pièce de composition courte et dans son essai L'inconsolable et autres impromptus, André Comte-Sponville nous propose douze de ces exercices. Passons les en revue rapidement !

    Le premier texte donne son titre à l'ensemble, "L'inconsolable" où notre philosophe aborde la question de la souffrance et dresse le constat trivial qu'elle est inévitable, qu'elle est le lot de la vie et confesse, chose lus intéressante, être un grand déprimé ! Sont abordées également  les notions d'empathie; de compassion et de consolation. Pour se consoler, il convient alors de s'oublier notamment dans le "divertissement". On pourrait évoquer ici évidemment Pascal mais aussi Montaigne.

    Dans "La joie de vivre", Comte-Sponville aborde le contraire de la souffrance à savoir la joie qu'il différencie de la simple "gaieté". Il y a des liens entre ces différents textes car il revient ici à nouveau sur Montaigne, anticipe sur un autre texte sur Beethoven - et son "Hymne à la Joie" - et mentionne aussi Spinoza. Je vous laisse aller découvrir cet impromptu par vous-même.

    "De l'ennui et de l'école" parle du calvaire des élèves lorsqu'ils s'ennuient à un cours ! Des considérations sur le métier de professeur ici suivent. L'enseignant doit-il transformer son cours en spectacle ? En vérité, l'ennui n'est pas forcément négatif car le savoir et l'éducation ne sont pas un jeu et le travail s'accompagne le plus souvent de l'ennui. Effort et ennui vont ensembles et on n'a rien sans rien !

    On aborde ensuite Beethoven et son œuvre, Beethoven, le "compositeur du courage" selon Comte-Sponville, musicien de génie, génie tout court qui affirme sa personnalité dans le siècle du romantisme et dont on distingue traditionnellement trois moments dans la carrière. Artiste d'un abord difficile aussi !

    Dans "D'une passion l'autre", il est question de l'écrivain russe Dostoïevski et ici de sa nouvelle "Le Joueur" et de l'addiction aux tables de jeux et aux casino dont souffrait ce romancier. Comte-Sponville parle alors ici du hasard, des coups du sort mais surtout des addictions, de l'amour et de la facilité qu'on a à s'aveugler sur ses propres faiblesses et failles.

    "Jules Laforgue, poète du dimanche" nous parle d'un artiste déconsidéré, le poète Jules Laforgue, mort trop tôt à 27 ans et dont l’oeuvre est empreinte d'une certaine naïveté et possède nombre de faiblesses mais aussi des morceaux de bravoure. Laforgue puisait ses influences chez Baudelaire (mais quel poète ne l'a pas fait dans ces années 1880 ?) puis chez Verlaine et faisait aussi écho aux écrits de Nietzsche dont La Gai Savoir, répondant par un "triste savoir". On classe traditionnellement ce poète oublié et méconnu, qui écrivait en alexandrins et en octosyllabes et fut un des pionners du poème en prose, parmi les "décadents" et les "symbolistes".

    Dans "L'autre maître", notre auteur partage ses souvenirs de Louis Althusser, un des tenants du Structuralisme et grand remanieur de la pensée marxiste. Comte-Sponville avait commencé par le lire puis le rencontra lors de son passage à l'ENS où notre figure emblématique était caïman et avait son bureau et ses appartements "dans un coin reculé de l'Ecole"? L'essayiste pointe ici le caractère chaleureux du vieil intellectuel mais aussi l'aspect déjà un peu dépassée de sa pensée et il évoque aussi bien sur le drame que l'on connaît quand Althusser étrangla son épouse lors d'une crise de démence. Comte-Sponville reconnaît en lui un maître !

    Dans "La nature et nous", l'auteur montre sa large érudition philosophique en posant le rapport entre l'homme et la Nature, commençant par rappeler que Descartes avait écrit que nous devions "nous poser comme maîtres et possesseurs de [cette] nature". En réalité, nous sommes inclus dans cette Nature, n'en sommes que les usufruitiers et devons en prendre soin ! Cela est vrai depuis que Dieu a commandé à Adam de vivre de son travail, labeur qui aboutira au règne de la technique, le Gestell / l'Arraisonnement du Monde que dénonce Heidegger. Bacon, lui, dira qu'on "ne domine la nature qu'en lui obéissant" car Dieu a établit des lois auxquels la Nature se soumet et donc l'Homme. On pourrait aussi évoquer la "Nature naturante " et la "Nature naturée" de Spinoza...

    Après quelques considérations sur l'intelligence des bêtes, Comte-Sponville aborde dans le texte suivant "Sur les droits des animaux" la question de nos "obligations" envers ceux-ci. En préalable aussi, il pose que droits et devoirs vont ensembles et sont les deux faces de la même médaille. Qu'est-ce qui est le plus condamnable - autant juridiquement que moralement - que de gifler un enfant ou de crever les yeux d'un chat ? Le philosophe rappelle que les animaux sont aussi capable de ressentir la souffrance mais nuance en précisant qu'ils ne lui accordent pas la valeur symbolique et le sens que lui superpose l'Homme. Il en conclue que nous avons bien des devoirs envers les bêtes - mais que sauver les hommes demeurent notre priorité ! Il perd toutefois beaucoup de sa crédibilité, notre auteur, en défendant la corrida, point sur lequel évidemment je ne le suis pas !

    Dans l'antépénultième Impromptu du recueil, "Solitude et isolement", il est rendu hommage au formidable et très utile travail de l'association SOS Amitié dont les bénévoles sont gentiment moqué dans le célèbre Père Noel est une ordure. L'auteur en profite pour poser la différence entre solitude et isolement. La solitude est le propre de l'Homme, de la naissance à la mort car on ne vit ses propres expériences que pour soi et même entouré d'amis, on est seul. L'isolement, lui, est la fin des relations sociales car on sait depuis Aristote que l'homme est un "animal politique",  un être de communications. Cet isolement est de plus en plus fréquent à notre époque qui a brisé les solidarités et l'esprit de communauté d'antan ! C'est là qu'intervient SOS Amitié par le biais de cette invention qui a plus d'un siècle, le téléphone, fait à l'origine pour rapprocher les gens comme il est dit en incipit de ce texte. Au passage, j'en profite pour dédier ce billet à ma Mémé qui souffre parfois de solitude sinon/voire d'isolement ! Courage ma petite Mémé ! On pense à toi !

    "Comme une nouvelle alliance" est l'occasion pour l'auteur, athée, de défendre les Chrétiens persécutés au nom de la liberté de croyance. De nos jours, les conflits religieux reviennent hélas à la mode ! Persécutés sous l'Empire Romain, les Catholiques sont ensuite devenu persécuteurs avec l'Inquisition mais cela ne saurait justifier les persécutions actuelles car on n'est pas responsable des fautes de ses pères (quoi que l'Humanité soit selon le dogme responsable du Péché d'Adam, racheté par Jésus !). On prône aussi ici un certain humanisme et un universalisme

    L'essai se conclut sur le texte intitulé "Quatre mots et un silence" ou notre philosophe définit les limites et oppositions entre la Métaphysique et la Spiritualité. La première est spéculative et concerne l'Esprit, la où la seconde est ancrée dans l'expérience et concerne le Cœur. Comte-Sponville résume sa "métaphysique athée" par quatre termes : matérialisme, rationalisme, actualisme et naturalisme qu'il s'efforce de concilier ensembles. Je ne mentionnerai ici qu'un point commun sur le matérialisme et le rationalisme - car ça nous entrainerait trop loin de détailler les deux autres termes dans cette recension déjà fort longue. Donc, dans le champ du matérialisme, du rationalisme et de l'esprit rationnel, les neurosciences nous disent que la pensée est produite par le cerveau. Mais cette pensée dépasse la simple matérialité et c'est ce petit plus qui fait qu'une pensée est vraie ou fausse et pas le mécanisme des neurones ! Le sens émergeant !

    Voilà ! Cet ouvrage très intéressant se termine sur une note où Comte-Sponville donne la liste des occasions à laquelle tous ces textes furent écris à l'origine, soit pour des revues, des préfaces, occasions sans lesquelles ce livre n'aurait pu voir le jour, comme le remarque et précise l'auteur !

    Je vous souhaite une bonne lecture si vous êtes confinés chez vous ! Prenez bien soin de vous par ces temps d'épidémie de coronavirus !

    Sortez couverts de vos masques de protection !

    A bientôt !


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  • Nous allons maintenant aborder un gros pavé de plus de 500 pages, l'ouvrage La philosophie qui se fait où Patrice Maniglier nous présente le panorama philosophique actuel, lui le tenant du structuralisme, auteur d'une thèse sur la linguistique de Saussure, lors d'un entretien avec le journaliste Philippe Petit.

    Maniglier nous explique notamment que les sciences ont mis à mal la métaphysique et que les écrits de Kant, Hegel et Husserl ne sont qu'une manière de réhabiliter la Philo, de dire qu'elle peut encore parler du monde. Il constate un nouvel engouement des jeunes générations pour la métaphysique. La philosophie doit penser le monde contemporain, le réchauffement climatique ou la question sociale.

    Notre interviewé parle évidemment de la scène philosophique actuelle, celle qu'on voit dans les médias, les BHL, les Alain Finkielkraut ou les Michel Onfray et démontre que ce sont des pensées qui ne construisent rien de neuf, qui enfoncent des portes ouvertes, qui se résument à de l'idéologie ! Il n'y a aucun travail de recherche derrière dans l’"œuvre" des trois figures médiatiques que je viens d'évoquer.

    Patrice Maniglier revient aussi sur son parcours académique, quittant Science Po - qui forme les élites politiques et administratives - pour l’École Normale Supérieure - où l'on trouve les meilleurs esprits. D'origine Pied Noir, notre philosophe a ensuite du quitter la France, son parcours étant bouché ici-bas, pour des écoles d'art dans le monde anglo-saxon. Et donc il a été très influencé par le Structuralisme - qui mets fin au sujet, à la conscience et à l'Histoire - avec des penseurs tels Claude Levi-Strauss, Jacques Derrida, Michel Foucault, Gilles Deleuze, Roland Barthes, Louis Althusser ou Jacques Lacan !

    Mais depuis, ce Structuralisme des années 1960 et 1970 a été fortement conspué par les penseurs du "Tournant réactionnaire" ! Il n'y a qu'à renvoyer à l'ouvrage de Luc Ferry et Alain Renaut, La Pensée 68. Maniglier avoue davantage son admiration pour Étienne Balibar (que j'ai eu l'occasion d'entendre en conférence en 2016 au Mémorial de Caen) - qui a dirigé sa thèse sur Saussure.

    La philosophie est-elle une discipline qui n'énonce que des concepts faussés et des vérités trompeuses du fait que nos sens et le langage nous abusent ? C'est l'inquiétude et l'aporie pointées au premier tiers du bouquin par Maniglier. Il faut alors recourir à la positivité, au "réalisme spéculatif" ou à l'onto-anthropologie ! Et au fronton du "palais philosophique" de Maniglier, on pourrait bien lire : "La connaissance est une excroissance du monde, pas son miroir".

    Voilà ! En écrivant tout ce qui précède, je n'ai en réalité rien dit sur le livre qui est fort dense et demande de la concentration durant la lecture - mais c'est tellement intéressant et enrichissant ! Si vous faites des études de philosophie ou vous y intéressez en autodidacte, il vous faut impérativement lire de bout en bout La philosophie qui se fait, entre deux classiques !

    A bientôt !


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  • De nos jours, nous sommes hyperconnectés par nos Smartphones et internet, (dés)informés par BFM-WC, nous pouvons rallier les grandes capitales en quelques heures par des trains grande vitesse et des avions supersoniques mais se demande Kévin Cappelli, faisons-nous encore l'expérience du monde ?

    Dans L'expérience du monde,  petit livret de moins d'une centaine de pages, de lecture plaisante, notre essayiste réponds évidemment par la négative - car pourquoi faire un livre si il n'y avait pas de problème ?

    Tout d'abord, l'auteur constate que les moyens de transports modernes sont soumis à un paradoxe et que les distances sont converties en durées de trajet. Le paradoxe est que Lorient va se retrouver plus distante de Rennes que Paris par le TGV. Ces réseaux de transports modernes font subir des transformations à l'espace et on ne prête plus guère attention aux lieux que l'on traverse, seuls comptent le point de départ et le point d'arrivée. Par ailleurs, le tourisme entraîne aussi une destruction des lieux.

    De fait, il n'y a plus de lieux, dotés d'une essence et de caractéristiques propres mais des "zones" toutes uniformes, qui se ressemblent toutes où la société capitaliste va faire circuler ses marchandises. Les transports modernes nous coupent de la terre, du sol, et ne permettent pas l'expérience du monde.

    Les médias ne permettent pas non plus cette expérience et le terme "média" formé dans les années 1980, signifie un "intermédiaire" entre nous et le réel ! Les journaux télé reconstruisent ce réel et les images qui nous arrivent dans notre salon ont un statut "fantomatique", à la fois là dans notre salon et en même temps absentes car montrant des événements qui se passent très loin ! Jean Baudrillard parle à propos des médias de "simulations" et illustre son propos avec la Guerre du Golfe télévisée au début des années 1990 qui a défiguré le réel.

    Cappelli s'appuie ensuite largement sur Guy Debord et son livre La société du spectacle où le spectacle dépossède l'homme du monde tout comme la marchandise dépossède celui-ci de son travail ! Karl Marx, Hannah Arendt, Gunther Anders et Martin Heidegger sont également invoqués.

    Donc si ni les transports, ni les médias ne nous rapprochent du monde, comment pouvons-nous encore le faire ? En refondant une agora, à la manière des Grecs, en discutant avec nos semblables, en menant des actions avec eux et en construisant des objets faits pour durer de nos mains ! L'expérience du monde est dans la proximité et non dans la distance. Il faut se reconcilier avec les quatre éléments, le ciel, la terre, le divin et les hommes. C'est à ce prix que nous connaîtrons vraiment le monde !

    Un ouvrage fort intéressant qui était nommé pour le prix lycéen 2019 du livre de philosophie mais c'est Frédéric Gros qui l'a emporté !

    A bientôt !


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  • Comment résumer en quelques chapitres un livre aussi foisonnant que La Technique et le Temps de Bernard Stiegler ? Ce vaste chantier philosophique n'est pas achevé et je vais ici survoler très rapidement le Tome 1 au titre "La faute d'Epiméthée".

    Selon Maurice Blanchot, la Technique transforme l'horizon de l'avenir. La succession des techniques traduit autant de changement d'époque et s'inscrit donc à ce titre dans le temps.

    Il existe une dialectique entre l'Homme et la Technique. En effet, l'Homme développe-t'il la Technique ou la Technique modifie t-elle l'Homme ? Il y a un va-et-viens entre les deux et Stiegler insiste ici beaucoup sur ce point.

    Stiegler s'appuie notamment sur les travaux de Leroi-Gourhan et les préhistorien. Un jour, l'homme a adopté la position debout et a ainsi libérer ses mains. Il a pu alors se mettre à tailler des outils, des silex et la taille de ces objets s'accompagne du long développement de son cortex. Ensuite, Homo faber devient Homo sapiens en acquérant la pensée réflexive et symbolique.

    Toutes les interrogations face à la Technique nous confrontent à la question de la Mort et dès lors qu'il fabrique des prothèse, l'Homme est confronté à sa finitude.

    Stiegler s'appuie aussi sur Rousseau pour parler de la question d'une double origine. Première origine, le Bon Sauvage, puis Chute et seconde origine avec l'apparition de la Technique ! Dans la Genèse, la Chute a condamné Adam et Eve au travail et donc à la promotion de la Technique.

    Dans la lignée des mythes originaires, il faut évidemment mentionner ici les figures de Prométhée et Epiméthée. C'est parcequ'Epiméthée n'a doté l'Homme d'aucune qualité (ni fourrure, ni griffes, ni ailes,...) que celui-ci a du se fabriquer des prothèses, grâce notamment à Prométhée qui a dérobé le feu pour apporter l'artisanat et la Technique aux Hommes.

    Mais l'écriture est aussi une Technique. L'écriture, le texte, est ce que Stiegler appelle une Rétention Tertiaire. A côté de notre mémoire génétique, il y a une mémoire épiphylogénétique qui passe notamment par la culture et les objets. C'est ainsi que le Savoir se transmets de générations en générations et que l'Humanité progresse !

    Voilà ! Il y aurait des thèses à écrire rien que sur ce premier tome ! J'adore Stiegler, sa pensée est stimulante ! Je le préfère même à Michel Onfray ou Edgar Morin !

    A bientôt !


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  • J'adore les penseurs "touche-à-tout" comme Michel Onfray ou Edgar Morin. Dans le genre, Bruno Latour, né en 1947, est pas mal ! C'est à la fois un philosophe, un épistémologue, un sociologue et un anthropologue et ses écrits me semblent bien intéressants !

    Mais pour le moment, n'ai eu accès à son oeuvre que par le biais du petit manuel réalisé par Gérard de Vries, Bruno Latour - Une introduction, une sorte de digest paru à La Découverte. Entrons dans le vif du sujet !

    En quelques chapitres, Gérard de Vries nous "introduit" donc aux grandes lignes de la pensée de Latour et ses principales théories. Le philosophe et sociologue a écrit sur des sujets très variés, principalement sur la Science, qu'il aborde d'un point de vue sociologique mais aussi sur la Religion... Et il parait difficile de trouver un fil rouge à tous ces textes mais pourtant il existe !

    Après une rapide préface, on entre dans le vif du sujet et déjà sur des considérations épistémologiques quand au statut de la connaissance. Dans le premier chapitre, de Vries nous rappelle que pour Latour, tout savoir procède d'une observation - donc la science est une discipline empirique ! - et l'exemple de la carte de Paris est utilisé pour démontrer qu'avant d'appréhender cette ville en s'y repérant au moyen d'une carte, il a fallut tout un travail de "construction". C'est aussi valable pour la distribution d'eau de la ville.

    Ce qui précède parait évidemment pour toute connaissance qui procède des oeuvres humaines mais qu'en est-il de la Nature ? La Nature nous est-elle donnée ou demande-t'elle aussi une élaboration ? Le savoir sur la Nature demande aussi un effort et l'exemple qui est pris est celle de la mise en lumière du fonctionnement d'un neurone dont les mécanismes ne nous sont pas livrés nus mais demandent aussi un "travail d'enquête" : décapiter des rats, prélever le cerveau, le découper au microtome, le colorer, l'observer seulement enfin (c'est ce que je faisais personnellement durant mes stages de biologie il y a longtemps) !

    Le deuxième chapitre aborde les sciences studies qui traite de sociologie des sciences, domaine dans lequel Latour est un des précurseurs. Là encore, la science est une "construction sociale". On se rapporte ainsi aux paradigmes de Thomas Kuhn (dont je parlerai un autre jour !). La diffusion d'une découverte scientifique est proportionnelle à la réputation du savant, du chercheur. Et on nous évoquera ici les enquêtes de Latour à l'Institut Biologique Salk, en Californie, où il a montré que la quête du savoir et la recherche scientifique s'y organisaient en deux pôles : les techniciens qui relèvent les données et les chercheurs, le nez toujours dans les livres et les graphiques, qui les interprètent et élaborent les théories (et j'ai envie d'ajouter, aux premiers le "sale boulot" et aux seconds la gloire et les Prix Nobel !).

    A ce stade, on voit que Bruno Latour a une aptitude à élucider des problèmes, à dévoiler les choses / les évidences cachées, dans la continuité de ces premiers travaux en heuristique biblique et littéraire !

    Mais notre  théoricien montre aussi que les faits scientifiques ne sont pas que socialement construits. Il recours à une autre méthode que l'observation de terrain dans un laboratoire, à savoir l'analyse d'articles scientifiques selon les méthodes de la sémiotique et pour être encore plus précis, il se penche sur l'article de 1858 de Louis Pasteur sur la fermentation lactique. Alors certes, le savant, ici Pasteur, être social, conduit son expérience mais il y a des phénomènes naturels qui ne relèvent pas du social, ici l'action de la levure lactique. Il convient de distinguer les différents actants.

    Vous l'aurez compris les travaux de Latour tiennent à la fois de la philosophie, de l'éthnologie, de l'épistémologie et de la sociologie et s'affranchissent de l'habituel découpage des savoirs qui peut être stérilisant ! Ces études constituent une "chambre des merveilles", un cabinet de curiosités à la manière de la Renaissance.

    Latour pointe qu'il est difficile de capturer la réalité d'un seul coup d'oeil et qu'il faut multiplier les points de vue et se donner tous les outils du chercheur ! La réalité n'est t-elle que ce qu'on lui confère en la regardant ! L'observation est forcément active !

    Plutôt que de choisir son camp entre rationalisme et empirisme, il est bon de découvrir comment la connaissance se forme, tâche de la philosophie au moins depuis Kant ! On étudiera donc  l'histoire de sciences en ne se limitant pas aux seules victoires de la science !

    Latour se demande " qu'est-ce qui fait un scientifique ?" et balaie des idées suspectes telles que le "génie" ou la "puissance intellectuelle" pour s'intéresser davantage au contexte sociétal et au cadre scientifiques, travail déjà défricher par Thomas Kuhn.

    Cette analyse du contexte n'est pas évidente car traditionnellement la Sociologie a exclu de son champ de recherche les artefacts et les animaux. Or le scientifique travail avec les deux, des instruments et du matériel vivant. Il faut ici appréhender ensemble humains et non-humains pour comprendre le tout.

    Latour puisse ses références, comme le montre De Vries, chez les classiques : Kant et Kuhn déjà mentionnés mais aussi Max Weber. Et évidemment, notre philosophe-sociologue touche à tout s'interroge aussi sur la grande question de la Modernité ! Problématique qui mêle science et politique, technologie et éthique en autant de noeuds gordiens qu'il faut trancher ! Latour passe aussi par dessus les dichotomies comme esprit et matière et pense en terme d'hybrides. Il croit aux pratiques hétérogènes, aux "brassages des temporalités", aux distinctions entre le temps et l'histoire et entre les stable et le différent/le variable ! C'est déjà quelque part une pensée complexe avant Edgar Morin !

    Il y a des avantages à être étudiant - même si ca demande beaucoup d'efforts et avec un job à mi-temps en parallèle, ne laisse pas beaucoup de temps libre ! En effet, grâce à ce statut, ai accès aux bases de données de CAIRN sur le site web de ma BU et aux collections très fournies de "Que Sais-Je ? " et de "Repères" - La Découverte, ceci gratuitement. Le livre présenté ici fait partie de ce "fond" et a été découvert ainsi. Et il y en aura d'autres à l'avenir !

    A bientôt !


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  • Dans le cadre de mes études en cours de Sociologie, j'ai réalisé une note de lecture sur l'essai de Gilles Lipovetsky, L'empire de l'éphémère - sous-titré La mode et son destin dans les sociétés modernes. Je recopie ici le corps du texte !

    Dans son ouvrage de 1991, Gilles Lipovetsky s'attarde sur un phénomène qu'il juge constitutif de nos démocraties modernes et qui est le propre du monde occidental, la question de la mode tout en versatilité et inconstance. Sa thèse est que la mode est le corollaire voire le soubassement de la démocratie et va de paire avec la montée de l'individualisme. On trouve des échos de la pensée de Tocqueville dans L'empire de l'éphémère.

    L'auteur commence par poser le constat que le phénomène de la mode, si il a déjà été abondement traité, n'a jamais été abordé de façon vraiment satisfaisante. Les penseurs précédents se contentait de mettre l'accent sur le caractère versatile de la mode sans vraiment en chercher les origines. Lipovetsky se propose ici d'aller en profondeur et va démonter un certains nombres de postulats qui l'ont précédé dès le départ du livre et dans la dernière partie, dans les chapitres sur la publicité et les médias.

    La problématique pourrait être « quel(s) sont les moteurs de la mode ? » et « en quoi la question pas n' a pas été correctement traitée ? ». Se dessine alors son rapprochement avec la démocratie.

    La mode apparaît à la fin du Moyen âge et à la Renaissance – et on pourrait évoquer ici les théories de Norbert Elias sur la curialisation de la vie sociale au XVIIème siècle. Jusque ici, on explique la mode par l'opposition entre les classes et le désir de distinction entre celles-ci.  Mais ne sommes nous pas là devant une lecture marxiste qui explique la mode par l'opposition entre l'aristocratie, qui veut montrer son prestige à travers le luxe du vêtement et la bourgeoisie qui s'enrichit et rêve d'ascension sociale. Cette explication est peut-être valable pour les premiers moments de la mode – son apparition – mais très vite un autre phénomène apparaît : l'individualisme démocratique.

    Pour Lipovetsky, chez qui on sent l'influence de Tocqueville, la mode est liée à la montée de l'individualisme et est une caractéristique voire un des fondements des démocraties modernes. En effet, la démocratie disqualifie les marques de la supériorité hiérarchique. Ca va être progressivement la fin des dépenses somptueuses aristocratiques.

    L'essayiste dresse plusieurs temps de la mode : son apparition puis la « mode de cent ans »  et ensuite la « mode ouverte » et qui se termine avec la « mode achevée » - qui applique la mode à tous les domaines, vêtements mais aussi tous les objets et même les pensées et idéologies. Dans le même temps, l'individualisme et la démocratisation progressent.

    L'auteur prends ses premiers exemples de ce qu'est la mode dans le cadre de l'habillement, secteur traditionnel quand on pense « mode ».

    Le luxe vestimentaire a encore cours dans la « mode de cent ans » qui voit apparaître la figure du couturier comme artisan voire artiste avec la Haute Couture, encore dans une logique de luxe donc, mais par la suite, la Haute Couture va perdre son prestige et ne concernent plus que quelques milliers de clients.

    S'ensuit une démocratisation du vêtement avec l'apparition du prêt-à-porter et l'industrialisation du secteur. C'est ici qu'on quitte la logique de distinction sociale pour évoquer la montée de l'individualisme comme corrélé à la mode. On est alors dans une culture de masse hédoniste et une culture jeune : « paraître jeune ». Deux temps  se sont alors succèdés : Haute Couture puis prêt-à-porter (mode  jeune), les vêtements d'abord comme distinction sociale –  avec une ornementation à la marge, puis comme moyen de s'individualiser. Il y a ici une dialectique entre conformisme/imitation et distinction/individualisation.

    En réalité, il n'y a pas une mais des modes. Dans la « mode ouverte », le Paraître fonctionne comme symbole d'un style de vie -  comme un « self-service généralisé » et l'auteur pose que l'identité sociale s'est brouillée mais pas l'identité sexuelle. La séduction serait l'apanage des femmes. Les possibilités se sont accrues pour elles,  car elles conservent la jupe et la robe mais ont désormais le pantalon.

    On a toutefois aussi un décalage avec une certaine lenteur entre la création d'avant-garde et sa diffusion de masse –  qui serait une forme de « sagesse », toutes les excentricités de la Haute-couture ne pouvant s'afficher dans la rue. Décalage mais pas de déficit créatif au contraire ? Le « must » en matière de mode est plus flou. Enfin, il y a une dépassionnetisation sociale de la mode, mais pas la disparition des codes sociaux et des phénomènes mimétiques.

    Grâce au vêtement, les personnes s'individuent, en affichant leur style propre. En terme de statistiques, il y a baisse de la consommation vestimentaire, avec la vogue du sportswear (toujours le bien être avant l'honorabilité sociale et paraître jeune et « dans le coup »).

    Il y a aussi une rupture avec le passé et des vêtements choisi  (comme le jeans) et non imposés par la tradition – à la fois uniformisation et individualisation, individualisme (à travers le mimétisme) et conformisme (on a donc bien encore des phénomènes mimétiques. Mais au bourgeois qui imitait le noble, on a, avec la démocratisation et le règne de l'individualisme, des personnes qui s'habille pour satisfaire leur bien-être plus que le paraître (réalisation de soi et culte du corps). Et évidemment, les possibilités sont multiplié par le choix offert avec l'industrialisation de la production du vêtement.

    On est passé de l'imitation verticale (d'une société d'ordre) — avec hiérarchie, distinction, reconnaissance sociale et  valorisation, à l'imitation horizontale (autour de soi) – avec des individus égaux, qui veulent  « être bien », dans une logique hédoniste et dans le cadre de la démocratie – bref on est passé à une distinction individuelle et esthétique et non plus de classe sociale.

    La mode  est désormais liée à l'affirmation de l'individualisme par rapport au collectif (imitation et distinction).

    La «mode achevée» a pour vocabulaire : l'éphémère, la séduction, la différenciation marginale et Lipovetsky y voit un nouvel investissement des valeurs démocratiques et non une décadence. Il n'y a pas disparition des idéaux mais transformation de ceux-ci.

    Avait-on raison de parler d'une « hégémonie aliénante de la mode » ?  Ou encore une aliénation généralisée (selon les termes de Guy Debord) ? Il est clair qu'on est passé à une « Société de consommation » - avec augmentation du niveau de vie, abondance et culte des objets.

    Concernant ceux-ci c'est la fin de la permanence des objets – d'où une instabilité des choses industrielles. Avec sa phase « mode achevée » , la mode touche les plus petits objets du quotidien : rasoirs, briquets, bouteilles,… Les firmes créent de nouveaux produits en permanence et il s'instaure une relation ludique avec ces objets. Là encore, ce n'est plus le désir de briller en société mais le désir de fonctionnalité et d'accomplissement/réalisation personnelle qui prédomine dans un égalitarisme démocratique et individualisation. Des multitudes de produits permettent de se différencier et d'affirmer ses goûts individuels (valable aussi pour les produits culturels, films, livres, séries télé et eux aussi soumis à la mode et à l'oubli).

    Par ailleurs, on est entré dans l' « Ère du design » avec une grande importance de la nouveauté. L'analyse classique, que démonte Lipovetsky, pose les objets comme des signifiants et discriminants sociaux, des « marqueurs de classe » - là encore une concurrence symbolique des classes. Or, là encore, l'auteur insiste : on ne consomme plus pour éblouir mais pour soi-même, par plaisir et gratification personnel : individualisme narcissique, culte du corps, égalisation des conditions, imitation, culte de l'utilité et de la nouveauté. L'individu hédoniste se replie sur lui-même.

    L'auteur aborde ensuite les question de la publicité, des médias, de la culture et des idéologies, montrant que la mode ne se restreint pas qu'aux objets et idées mais touche aussi l'immatériel, toujours dans nos sociétés démocratiques contemporaines occidentales.

    Il note ainsi l'importance de la publicité qui joue sur le registre ludique et de la surprise –  dans une stratégie de séduction, appliquée aussi à la politique ce qui a pour conséquence de pacifier les débats. Là encore Lipovetsky s'oppose à des théories qui ont eu cours : la pub n'a pas l'impact totalitaire qu'on lui prête car elle n'influence qu'à la marge. Le choix reste libre. La publicité n'impose rien. On peut la « zapper ». Les produits et marchandises ont des temps de vie courts et la pub se doit de les mettre en avant.

    Mais les  produits culturels aussi marqués par l'éphémère. Dans la lignée d'un Edgar Morin, mais en s'en démarquant, Lipovetsky pointe l'Impact des stars –  avec une adoration qui ne saurait être comparée à la religion, comme l'affirmait Morin,car cette engouement est ici le fait d'individus jeunes qui s'affirment pas leurs goûts culturels (notamment les jeunes filles). Par ailleurs, les stars des années 1980 sont plus proches des gens du commun, moins inacessibles (démocratisation).

    De même, les médias ne sont pas sources d'aliénation et de décervelage mais ramènent au contraire du débat public et les experts combattent les idéologues dogmatiques. Là aussi, vitesse de l'information et présentation ludique prédominent.

    Enfin, l'auteur observe un changement rapide des idéologies dans nos sociétés, un « procès mode » dans les idées avec les idéologies qui relèvent de l'orthodoxie opposées à l'investissement flottant de la mode, où la Foi est remplacée par l'engouement. Il y a encore désacralisation et plus le même rapport au passé/ nouveauté avec le moment charnière de Mai 68 (contre les autorités du passé et vers l'individualisme et l'hédonisme).

    Mais la mollesse des convictions conduisant à l'affaiblissement de la démocraties ne sont-ils pas devenus la règle ? La combativité affaiblie par le culte de l'Ego ? En réalité, il y a une pacification des mœurs et des discours : « calme collectif et fermeté d'opinion ». Enfin, le recul des idéologies renforce la légitimité des institutions démocratiques Il y a plus d'autonomie  des individus et de la société civile qui s'investissent dans des combats pour le bien-être (Droits des femmes, contre le racisme, la pauvreté). Le jugement de l'Autre recule en même temps que le désir de distinction s'écroule au profit du bien-être personnel.

    Il y a toutefois un retour du conservatisme qui n'est pas un effet de la mode mais une survivance  des temps anciens. Ce conservatisme se sert de la mode comme canal de diffusion mais va contre elle (paradoxe).

    Il y a en réalité deux éléments qui assurent la cohésion sociale : la mode d'une part (vers la nouveauté) opposée à la coutume d'autre part (vers le passé). Mais aujourd'hui, les individus se tournent vers les novateurs plutôt que vers l'autorité des anciens.

    On n'a plus un seul maître à penser mais des milliers de petites références qui forgent la pensée d'un individu « à la carte ». Lipovetsky termine son propos sur une note nuancée qu'on pourrait considérer comme pessimiste (après avoir dédouané la publicité et les médias comme pour contrebalancer) : l'individu est de plus en plus exigeant en terme de relation interpersonnelle et de communication menacé par la solitude (autre paradoxe).

    Dans L'empire de l'ephèmère, parce qu'il considère que le phénomène mode n'a jamais été correctement abordé par la pensée, pas assez en profondeur, Lipovetsky invalide la théories de la mode comme moyen de distinction de classe au profit d'un moyen de s'épanouir personnellement, en lien avec la montée de l'individualisme propre à la Modernité. Il assure ainsi le lien entre mode et démocratie, les deux allant de paires ? Ce faisant, il s'oppose à un certain nombre de théoriciens qui l'ont précédé et s'efforce de nuancer voire d'invalider leurs apports.

    A bientôt !


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  • Nous allons maintenant parler d'un philosophe qui s'est fait une spécialité de traiter des questions jugées moins nobles par sa discipline, comme la mode, et qui se fait aussi sociologue en analysant le phénomène de l'Hypermodernité ! Il en livre une vision tout en subtilités et en nuances, retranscrivant bien la complexité de notre époque ! Il s'agit de Gilles Lipovesky, auteur de L'ère du vide, et l'ouvrage, c'est Les Temps hypermodernes, ouvrage érudit et assez difficile à aborder car contenant une grande masse d'informations.

    On connaissant la Modernité, puis la Post-Modernité, caractérisées par la fin de la Transcendance et des idéologies - puis voici l'Hypermodernité ! C'est une époque marquée par la surconsommation des objets, pas tant à des fins ostentatoire et de prestige mais pour jouir du moment présent ! En effet l'avenir inquiète fortement l'individu hypermoderne, individu fragilisé car n'étant plus protégé par le groupe et l'institution ! Bref, ce moment pousse encore plus loin l'individualisme et l'hédonisme des Modernités précédentes !

    Le culte du progrès a fait place à la jouissance dans le temps présent. Le politique est certes en déroute mais l'homme s'investit dans l'Humanitaire et il y a une avancée dans la foi dans les Droits de l'Homme ! Tout ceci dans une époque qui se durcit à nouveau !

    Dans ce cadre, l'individu pense d'abord à lui, à sa santé, à son bien-être, un individualisme "nouvelle formule" du "toujours plus". Notre personnage n'est plus "cool" et '"décontracté" comme dans les années 1970 mais veut profiter le plus de la vie, dans l'urgence, avant l'apocalypse ! C'est aussi l'époque de l'immédiateté.

    N'oublions pas que c'est l'époque de la Mondialisation qui laisse pas mal de gens sur le carreau. On assiste à un retour du spirituel en même temps que la domination de la techno-science ! La psychologie et le "développement personnel" sont mis en avant.

    Bref, c'est l'ère de l'Homo consomator.

    Il y aurait beaucoup à dire encore mais j'y reviendrais prochainement dans un billet généraliste : "Modernité et désenchantement du Monde" pour montrer le début du processus, entamé avec la Modernité !

    L'édition sur Google Play, donc que j'ai lu en numérique, contient aussi en préalable une présentation de notre philosophe et de ses théories par Sébastien Charles puis par la suite une interview de l'auteur !

    A bientôt !


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  • Tenu pour responsable de beaucoup de maux, le Capitalisme est-il moral ? C'est la question à laquelle le philosophe André Comte-Sponville, pétri de politique et d'économie tente de réponse dans une conférence dont le petit livre Le Capitalisme est-il moral est la transcription. Il procède en quatre temps.

    Tout d'abord, notre philosophe dresse le constat que la génération qui a été jeune entre 1980 et 2000 est beaucoup moins imprégnée de politique que l'a été la sienne, celle qui avait 20 ans en Mai 68. Cette génération des années Reagan se désengage à contrario du fait politique et se gorge de morale ! C'est en effet bel et bien à un retour de la morale que l'on assiste avec des figures comme l'Abbé Pierre ou des Institutions comme SOS Racisme ou les Restos du Coeur. Mais pour Comte-Sponville, les solutions ne sont ni dans la politique, ni dans la morale ! Et à ces deux générations semble maintenant succéder, depuis l'an 2000, une autre génération plus investit dans le spirituel et donc le religieux à travers un retour à ces valeurs comme en témoigne le succès des JMJ ! Ajoutons que le retour de la morale puis du religieux sont en quelques sortes une réaction à la proclamation, à la fin du XIXème siècle de la "Mort de Dieu" !

    Dans un second, temps, notre penseur procède à une sorte de catégorisation et pose quatre ordres dans la société qui agissent chacun à un niveau différents et interagissent entre eux ! Il tente ainsi de répondre à la question posée au début.

    On a tout d'abord, au plus bas niveau, l'ordre techno-scientifique (le 1er ordre) auquel appartiennent des disciplines comme la Physique ou l'Economie. Cette ordre crée des lois pour expliquer la réalité mais ne s'embarrassent pas de morale ! L'auteur donne parmi d'autres exemple, celui parlant de la météorologie ou la pluie n'est ni bien ni mal ! Donc on a déjà un élément de réponse pour savoir si le Capitalisme est moral ou pas ! Il est de fait amoral... Sur ces points, je ne suis pas d'accord, car dans l'Economie, il y a bien des décisions humaines !

    C'est en accord avec le deuxième ordre qui est l'ordre politique et juridique. Le politique légifère par exemple en matière de bio-éthique car ce n'est pas au généticien de dire si le clonage humain est une bonne chose ou pas, juste il peut dire si c'est techniquement faisable ! Ce 2ème ordre va réguler le 1er ordre !

    Il y a ensuite au-dessus un 3ème ordre qui est celui de la morale et encore au-dessus un 4ème ordre, celui de l'éthique ou encore de l'amour ! Comte-Sponville ne croit pas en un 5ème ordre qui serait celui du divin. Mais se faisant, il nous a présenté en long et en large son système de pensées et c'est assez convaincant !

    Dans le chapitre suivant, Comte-Sponville présente la notion reprise à Pascal de "ridicule" c'est à dire lorsqu'il y a confusion entre les ordres, lorsque par exemple on demande à un savant de résoudre un problème moral. Puis, il définit les "barbaries", lorsque les ordres inférieurs tentent de dominer et réguler les ordres supérieurs par exemple lorsque le politique se charge de morale ou encore les Puritains qui s'enquièrent d'éthique, et les "angélismes", lorsque au contraire ces ordres supérieurs veulent résoudre les problèmes incombants aux ordres inférieurs comme la "volonté politique" de vaincre le SIDA (qui est un casse-tête médical - mais qui dépends certes de la volonté politique d'allouer des crédits de recherche) ou de résorber le chômage ou encore lorsque les religieux veulent dicter l'ordre moral ! Là encore la démonstration est impeccable !

    Enfin, dans sa conclusion, notre philosophe pose que ce qui vaut pour les individus n'est pas ce qui vaut pour les groupes ! En effet, les individus sont sensibles à la hiérarchie des primautés, c'est à dire s'élèvent dans la hiérarchie des ordres : l'amour et ce qui importe le plus pour eux et en un sens, ils sont soumis à la grâce ! A contrario, les groupes sont soumis à la pesanteur et sont plus attirés par les ordres inférieurs selon la hiérarchie descendants des primats ! La technique et l'argent sont ce qui compte plus pour ces groupes comme les entreprises par exemple ! Démonstration brillante là encore !

    Finalement, André Comte-Sponville nous propose là rien de moins qu'une grille de lecture du monde et de l'humain à chacun de s'en servir comme bon lui semble et d'assumer ses responsabilités !

    Le texte de la conférence est complété par des questions - concrètes ! - du public à notre philosophe à l'issue de cette intervention et ne m'attarde pas dessus ni sur ces réponses qui ne sont au fond que des précisions et des éclaircissements et n'apportent rien de fondamentalement nouveau !

    A bientôt !


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  • Pour ce centième billet dans la catégorie "Philosophie" (sur Overblog !), nous allons nous intéresser à cet art du questionnement qu'est la philosophie à travers l'ouvrage très didactique de Deleuze et Guattari, paru en 1991 et intitulé Qu'est- ce que la philosophie ?

    Nos deux penseurs s'interrogent dans ces pages sur ces manières d'accéder à la Vérité que sont la philosophie, la logique et la science et tracent les lignes de démarcations entre ces différentes démarches !

    La philosophie pourrait, par simplification outrancière, se résumer aux concepts. Faire de la Philo, c'est créer des concepts ! (?) Cela me rappelle au passage un trait d'humour de François, un camarade de Philo qui dans les années 1990 me faisait remarquer que le concept s'applique désormais à tout lorsque nous allâmes déjeuner dans l'enseigne Flunch qui nous accueillait dans leur "nouveau concept de restaurant" !

    Mais le concept se décline aussi en personnages conceptuels et se relie à un plan conceptuel, un plan d'immanence !

    A contrario, la logique et surtout la science opèrent par fonctions et par rapport à un plan de référence et avec des observateurs partiels. On doit aussi mentionner l'art qui lui se situe sur un plan de composition et avec des figures esthétiques et procède par percepts et affects.

    La pensée se constitue donc de ces trois manières : la philosophie, la science et l'art, et veut ordonner le chaos, poser du sens sur la réalité, dégager la Vérité.

    Dans ce texte, nos deux auteurs veulent aussi se confronter à l'Histoire de la Philosophie et puisent dans la Philosophie antique bien évidement, Platon et Aristote en tête mais aussi dans la Phénoménologie en passant par toutes les "écoles" intermédiaires. Il s'agit de retracer comment la pensée se forme face à la singularité !

    Un ouvrage que je ne saurais que conseiller à tout étudiant en Philo, à quiconque s'intéresse à la constitution des savoirs, et à tous les curieux ! Ca se lit facilement au contraire d'un Kant, d'un Hegel ou d'un Heidegger même si j'ai trouvé la seconde moitié du livre un peu plus ardue ! On y entre dans le vif du sujet !

    A bientôt !


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  • Voici déjà le troisième essai que je lis d'Alexandre Jollien, philosophe, écrivain, père de famille et handicapé moteur cérébral. Vivre sans pourquoi - sous-titré "Itinéraire spirituel d'un philosophe en Corée" - est un parcours initiatique qui nous emmène loin en Asie et loin de nos habitudes et préjugés !

    S'agit-il d'une quête de soi ? Pas sûr car Jollien nous montre qu'il est préférable de se défaire de notre égo, de cesser de se juger précisément et de ne penser qu'au jugement que les autres portent sur nous. Aussi se tourner vers le Christ et vers Dieu qui n'est pas un Dieu qui juge et qui tient des comptes !

    S'agit-il alors d'une quête du sens ? Pas exactement à ce que j'ai compris car, dans l'orientation à ce texte que lui donne son titre, il convient de cesser de se questionner. Pour faire simple, ce que Jollien a appris de son maïtre zen et de lectures comme celle de Maître Eckhart est que le mieux est encore de s'abandonner et de souscrire à la vie, dans tous ses aspects.

    Les sagesses antiques et orientales sont, selon moins, plus bénéfiques à notre équilibre que n'importe quelle prescription d'antidépresseurs dont nous alimente ces charlatans de psys ! Attention, je ne vous dis pas d'arrêter votre éventuelle médication sans l'accord du dit psy !

    Jollien, qui vit dans un corps, défaillant, comprends aussi qu'il faut accepter le corps ! Il s'agit de vivre dans la joie et aussi dans l'amour du prochain, donner moins d'importance aux objets et cesser la rumination mentale ! Mettre également fin au bavardage !

    La vie n'en sera pas plus facile mais on s'enlèvera ainsi bien des soucis ! Les Stoïciens, que Jollien ne cite pas explicitement mais qui ont influencé le Christianisme, parlent d'agir sur nos représentations.

    Alexandre Jollien se forge ici des outils, à la fois avec le Christianisme et aussi avec le Bouddhisme ! Étrange syncrétisme mais pas si illogique, ni impensable au fond ! Matthieu Ricard est aussi mentionné.

    J'ai beaucoup apprécié ce livre mais sa lecture demande une certaine part de méditation et de réflexion pour tenter de saisir le "message" de Jollien si message il y a ? C'est bien plus un "carnet de route" d'un itinéraire personnel. Je vous ai fait ici la version courte, synthétique mais forcément incomplète.

    A bientôt !


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  • La Philosophie est vaine et inutile lorsqu'elle n'est qu'érudition et pédantisme ! Au contraire, elle doit, comme dans les temps antiques, comme l'a montré Pierre Hadot, être "philosophie de vie", et nous aider au quotidien face à nous-même, aux autres et au monde ! C'est cela aussi une quête de la Vérité !

    Alexandre Jollien avait, à priori, bien des obstacles devant lui pour trouver la sérénité, à défaut de la sagesse. Né en 1975, il a vécu dix-sept ans dans une institution spécialisée pour personnes handicapées physiques. Pourtant, il entama des études de philosophie et nous livre par la suite ses réflexions éclairées et nourries du fruit de son expérience. Une autre preuve que l'esprit domine  la matière !

    Notre écrivain-philosophe se dévoile dans Le Philosophe nu. Comment éprouver de la joie quand les passions nous enchainent ? Le corps est-il la prison que l'on dit ? Jollien n'aura de cesse de rebattre ces thèmes tout au long de son oeuvre en gestation.

    La volonté et la raison peuvent nous aider ! Mais hélas, des choses résistent. Il faut alors s'examiner, se contempler nu, descendre au plus profond de son intériorité ! Les passions sont connus et nombres de philosophes, dont Descartes, en ont déjà parlé : joie, insatisfaction, jalousie, fascination, amour, tristesse... Les passions sont comme un torrent qui déferle en nous ! Il faut donc les ausculter et il n'y a pas plus difficile exercice car nous ne les éprouvons pas tous de la même façon ! Difficile de généraliser donc.

    Les émotions seraient donc l'ennemi de la philosophie et des émotions, Jollien, dans son corps abimé, ne cesse d'en éprouver. Il est donc bien placé pour en parler !

    Notre penseur va trouver des solutions dans le bouddhisme chinois. Un travail sur soi qu'il poursuivra de longue haleine, notamment dans  Vivre sans pourquoi, autre livre dont je vous entretiendrais bientôt ! Dans les fait, il s'appuie notamment sur Houei-neng, maître du bouddhisme et ira vivre ensuite en Corée du Sud.

    Début de réponse : la solution serait de puiser la joie tout au fond de soi-même en oubliant les aléas du sort ! Je vous renvoie aussi à la philosophie stoïcienne qui propose d'agir sur nos représentations. Tout cela n'est pas facile, mais avec la pratique et l'entrainement...

    A bientôt !


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  • J'ai toujours pensé que la démarche pluridisciplinaire était la plus fertile. Dans Les Echelons de l'Être - De la molécule à l'esprit, Michel Lefeuvre adopte une telle démarche lui qui est à la fois philosophe et biologiste.

    Dans ce livre, l'auteur s'interroge sur le chemin qui mène des composés organiques, les molécules qui composent nos cellules, à l'être pensant qu'est l'Homme. Doit-on y voir le retour d'un certain matérialisme ?

    Car nous, les humains sommes ambivalents, constitués à la fois de chair et d'esprit. En conséquence, nous possédons deux faces, l'une extérieure qui est régit par l'apparence car elle est observable et l'autre intérieure, notre "monde intérieur" précisément, nos idées, face qui demeure elle voilée.

    Il y a une complexification évidente lorsqu'on s'élève du support moléculaire à des structures telle que notre cerveau. A partir de ce cerveau, l'Homme va rechercher la vérité et la justice, notions intangibles et immatérielles ! C'est la naissance du mental avec les animaux supérieurs.

    Et avec cette élévation dans la hiérarchie des organisations, naissent de nouvelles sciences, la chimie, la biologie, la psychologie...

    Un essai qui fait un peu le bilan et ouvre des pistes de réflexions de recherche ! Ce sont des thématiques, le Vivant, l'Evolution, la Conscience, sur lesquelles j'aurais l'occasion et l'envie de revenir à l'avenir !

    A bientôt !


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  • Introduction aux Catégories - PorphyreAprès avoir passé deux étés à vous parler des textes de Platon, je vais bientôt m'attaquer aux textes d'Aristote - en commençant par l'Organon, cette instrument qui définit les règles de la Logique et de la déduction, nécessaires aux autres travaux du Péripatéticien, au sein du Lycée !

    Mais avant cela - avant de vous parler des dix Catégories d'Aristote qui définissent les choses sur lesquels on porte des prédicats et on déduit des Vérités, je m'attarderais sur un texte de Porphyre, Philosophe Néo-Platonicien (de même que Plotin ou Jamblique) qui est précisément une Introduction aux Catégories ! Je serais encore une fois très sommaire et évasif pour ce blog car une étude détaillée de ma part serait plus adéquate dans mon cadre universitaire !

    Porphyre s'attarde ici sur des définitions. Il commence par donner celles des mots "genre" et 'espèce" dont ils montre que ces termes sont relatifs ! Ainsi "animal raisonnable" est le genre de "homme" qui est son espèce mais à contrario, "animal raisonnable" est l'espèce d'"animal" qui est son genre. De là on pose que le genre qui n'est que  est qualifié de "généralissime" et l'espèce qui n'est qu'espèce est "spécialissime" ! Les intermédiaires sont des "espèces subordonnées". L'espèce est une division du genre. Selon Platon, il fallait descendre des termes les plus génériques aux plus spécifiques. Enfin, genre et espèce s'appliquent aux individus qui sont en dessous.

    Porphyre donne ensuite quatre définitions sur le sens du mot "différence" - entre les attributs notamment. Il convient aussi de séparer essence et accidents. L'accident ne modifie pas l'essence et n'est que temporaire. Il y a des accidents séparables (de l'essence de l'individu) comme dormir (car on ne le fait pas tout le temps) et des accidents inséparables comme être Noir (pour un corbeau ou un Ethiopien) car on l'est tout le temps  - ou plus encore être mortel.

    Parmi les attributs importants, il y a être mortel ou immortel et être raisonnable ou pas. L'Homme est un mortel raisonnable (quoi que ? Sur le fait qu'il ait toujours sa raison, on peut douter).

    Le Néo-Platonicien étudie aussi le cas du Propre. C'est à dire ce qui appartient à une espèce, à elle seule ou à d'autres espèce aussi. Là encore, il y a quatre modalités/possibilités/configurations.

    Il y a donc en tout cinq termes : espèce, genre, différence, accident et propre. Puis il étudie leurs rapports et leurs différences entre eux - selon dix cas possibles - mais là, ça devient un peu trop technique et compliqué pour moi !

    Je reviendrais sur tout cela dans mon futur article sur les Catégories d'Aristote lui-même, le texte commenté par Porphyre ici !

    Ces questions de genre et d'espèces vont aussi conduire à la Querelle des Universaux au Moyen âge, avec la Scolastique - ligne de fracture entre réalistes et nominalistes ! En résumé, les mots qui désignent des termes généraux comme "chevaux" ont-ils une existence ou ne sont-ce que des mots où il n'y aurait que des individus particuliers ? Sur la question que les idées n'auraient pas d'existence réelle contrairement à ce qu'affirmait Platon pour qui elles étaient ce qu'il y avait de plus réel, le monde sensible n'étant qu'un reflet (voir les ombres de la Caverne du Livre VII de la République) - mais c'est un autre débat, cela nous mènerait trop loin et je ne suis pas encore compétent !

    A bientôt !


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  • Je vous ai présenté précédemment le Volume 1 de l'ouvrage de Bernard Stiegler, De la misère symbolique, rassemblé avec le Volume 2 dans un seul tome chez Champs essai ! Après "L'Epoque Hyperindustrielle", il est temps de vous parler de "La Catastrophé du sensible" - mais je m'en tiendrais à un résumé très survolant et général tant la pensée de ce philosophe est complexe et poussée !

    Stiegler fait ici un réquisitoire contre les propos de Patrick Le Lay alors président de TF1 sur le "temps de cerveau disponible pour Coca-Cola" ! Il y a là une volonté de liquidation de la "Valeur Esprit" qui est intentionnelle et nos industries culturelles, à l'ère post-industrielle, vise à créer des cerveaux dociles et soumis, des consommateurs-travailleurs plutôt que des individus-citoyens ! Notre philosophe appelle à reformer ces "rétentions tertiaires" que sont les livres, œuvres d'art et autres supports de mémoire de l'Humanité !

    Les technologies actuelles doivent être remises au service des processus d'individuation psychique et collective. S'appuyant sur Simondon, le philosophe de la Technique, Stiegler détaille en quoi consiste cette individuation et la définit longuement en utilisant l'image de la spirale ! A notre époque, la Technologie Numérique est au cœur de ces processus ! Au passage, Stiegler montre que Sigmund Freud, le grand théoricien du psychisme humain, n'a pas assez pensé la prothèse technique dans la constitution de ce psychisme !

    Stiegler continue une oeuvre en devenir qui s'ébauche et se complète, s'affine au fil des ouvrages et il n'hésite pas à revenir sur ses précédents écrits et s'en justifie. Il mèle Histoire des techniques, Philosophie, Anthropologie et Esthétique dans un propos brillant et érudit mais jamais obscur pour peu qu'on se donne la peine de lire attentivement !

    Dans ce livre - Volume 2, notre penseur s'intéresse à la figure de l'artiste qui va "à contre-courant" et permets de constituer le "fond pré-individuel" ! Chaque individu se forme en effet en prenant en compte ce qu'à laisser la Culture ! Il baigne dans un milieu ambiant ! Il est là aussi question de "sublimation" !

    Nous possédons une âme noétique qui accède au divin mais pas de manière continue ! Elle est élévation en puissance et pas toujours en acte - à l'image du poisson-volant symbole de l'Ecole de Philosophie de Stiegler d'Epineuil-le-Fleuriel et de Pharmakon.fr !

    Les enjeux sont importants ! C'est aux intellectuels que revient la tâche de "fourbir des âmes" pour permettre aux individus de s'individuer et pas "de vivre et penser comme des porcs" - pour reprendre le titre d'un ouvrage de Gilles Châtelet auquel Stiegler aime se référer souvent ! Il faut fournir des concepts, si chers à Deleuze, dans une lutte à la fois esthétique et politique ! Car l'art a à faire avec le politique et cela on le sait depuis la Tragédie grecque, depuis qu'elle s'est affranchie de la Religion pour renouer avec le Tragique ! Tel est le prix pour sauver la "Valeur Esprit" , chère à Paul Valéry et si mise à mal par le Capitalisme !

    Un livre enthousiasment et qui donne à penser !

    A un moment, un possible Volume 3 est évoqué - mais je ne crois pas qu'il soit paru à ce jour - Work In Progress ! On poursuivra cependant cette intéressant réflexion dans les livres ultérieurs de Stiegler !

    A bientôt !


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  • L'ouvrage très dense de Bernard Stiegler, De la misère symbolique, regroupe en fait deux volumes datant de 2004 De la misère symbolique - Volume 1 : L'Epoque Hyperindustrielle - Bernard Stiegleret 2005 ! Nous allons nous intéresser ici au Volume 1 : "L'Epoque Hyperindustrielle".

    La pensée de Stiegler est très complexe et très développée. Ce philosophe réputé creuse les même sillons depuis des décennies, de livre en livre et approfondit à chaque fois son analyse et ouvre de nouvelles pistes. Il a la profondeur que n'a pas un Michel Onfray qui n'est après tout qu'un Historien de la Philosophie et un vulgarisateur ! Pour ceux  qui seraient intéressés à découvrir la pensée de Stiegler, je vous renvoie à son site Pharmakon.fr où il expose largement ses travaux.

    Stiegler puise chez Platon, chez Simondon, chez Derrida, chez Freud, chez Jean-Pierre Vernant et bien d'autres.

    Pour notre penseur, nous vivons une époque de grande misère - symbolique - qui exige de raisonner dans les champs de la politique et de l'esthétique. Le neuromarketing et le capitalisme ont "canalisé la libido", tué le désir pour le remplacer par la pulsion dans le même temps où producteurs et consommateurs étaient prolétarisés - perdant ainsi leur savoirs-faire et savoirs-vivre.

    Stiegler emprunte à Deleuze lorsqu'il pense le marketing comme "élément de contrôle social" ou les "sociétés de contrôle". C'est en effet notre perception, notre sensibilité, qui en nous permettant de nous individuer, permet aussi aux êtres humains de faire société.

    L'homme est un animal noétique qui a une tendance à s'élever mais aussi à régresser ! De Simondon, Stiegler reprends largement les concepts d'individuation psychique et collective, puissant aussi chez Husserl pour les notions de Protention et Rétention.

    Notre philosophe, dans ce premier volume de ce qui constitue l'essai De la misère symbolique, volume 1 trois à quatre fois plus bref que le volume 2 sur lequel je reviendrais une autre fois, se livre à une brillante analyse du film d'Alain Resnais, On connait la chanson, pour montrer en quelque sorte que c'est bien la culture, les rétentions tertiaires collectives, qui tissent du lien entre nous ! Chacun des spectateurs de ce film constitué de dialogues qui sont en réalité des play-backs de chansons célèbres, connaît les morceaux que l'on entends durant la séance, preuve si il en est d'un patrimoine commun !

    Le cinéma constitue ainsi un moyen de compréhension de la misère symbolique. Incapable de s'individuer, parce que le désir est parti, l'homme régresse vers la barbarie.  On est entré dans l'ère des médias de masse qui mettent tous les esprits en synchronisation. Paradoxalement, le collectif n'est possible parce qu'il y a du singulier. La pensée uniforme détruit le lien.

    Les relations humaines sont hantées par des rituels, des règlements, des lois, des routines, des mélodies... La perte des savoirs-vivre tends à détruire tout cela et donc à nous désunir. On ne s'individue jamais qu'à partir du patrimoine commun et quand celui-ci est riche et diversifié !

    Stiegler a donc un projet philosophique vaste et ambitieux : changer les relations humaines et la production des oeuvres de l'homme en particulier dans le domaine de l'art, porteur de sens. Il s'agit de penser de nouveaux symboles pour éviter toute misère "symbolique".

    Le Contemporain n'est pas Post-Moderne (avec la French Theory) mais "hypermoderne" en ce sens qu'il est industrialisé - la prolétarisation ! Le numérique constitue à cet égard un défi et Stiegler a dirigé l'Institut National de l'Audiovisuel -  l'I.N.A. (il s'intéresse aussi à l'analogique : cinéma, radio, télé...) et a contribué à l'Institut de Recherche et d'Innovation - l'I.R.I.

    Parce que l'omniprésence de la technique prise l'individu de son propre savoir-faire, celui-ci ne peut plus s'individuer de manière autonome ! Il devient esclave de la machine, n'a plus la vision d'ensemble de la tâche !

    L'enjeu est de se réapproprier soi-même dans une époque qui nous déshumanise !

    J'y reviendrais et j'en dirais davantage à l'occasion du Volume 2 : "La Catastrophé  du Sensible" !

    A bientôt !


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  • Mine de rien, cela fait huit ans que je lis Philosophie Magazine, dès 2011 et bien avant mes études de Philo ! Dans le numéro 127 - de mars 2019 - la rédaction consacre un dossier à la mémoire - aussi bien ses mécanismes physiologique que son rôle dans nos parcours de vie et dans la société. Mais le numéro ne contient pas que cela et a aussi toutes les rubriques habituelles !

    Philosophie Magazine  surfe sur l'actualité et tente de l'éclairer à partir des écrits des grands philosophes. Or l'actualité, en cette année 2019 mouvementée, ce sont les Gilets Jaunes qui se lèvent avec raison contre un pouvoir aux mains d'un président-voyou, Macron, élu par les oligarques, pour dépouiller la France à leur profit ! Évidemment, ça, ce n'est que mon avis personnel et Philosophie Magazine n'osera jamais tenir ce genre de propos à l'instar de la panoplie de journalopes des merdias qui attendent que le Prince leur jette ses restes ! Le magazine préfère organiser sa propre session du Grand Débat National, vaste fumisterie de Macron ! Ils appellent cela "En direct de la Démocratie" !

    C'est en effet à Lille, avec les philosophes Fabienne Brugère, Pierre-Henri Tavoillot et Denis Maillard que la parole à été donnée aux citoyens autour de trois thèmes imposés : la réforme des institutions démocratiques, l’Écologie et la lutte contre les inégalités ! Un protocole est suivi à chaque fois : retours d'expérience, conceptualisation, argumentation et propositions et vote.

    Je ne rentre pas dans le détail de ce débat ! On connaît les propositions si on suit l'actualité ! Représentation contre participation des citoyens, nouvelles assemblées, ferroutage,  recyclage, limiter sa consommation en écologie et restauration de l'ISF, création d'un revenu universel, taxation de l'héritage... On sait tous bien que rien ne sortira de ce genre de consultation car le brigand qui nous dirige n'en fait qu'à sa tête !

    Dans les pages suivantes, on a une interview d'Aubrey de Grey, un type qui pourrait passer pour un illuminé car il  se propose de nous faire vivre mille ans en investissant massivement dans la recherche ! Le gars ne se revendique pourtant pas transhumaniste ! On hallucine !

    Vient ensuite le coeur de ce numéro : "L'étrange logique de la mémoire". Au menu, on commence par le constat qu'aujourd'hui, le commun des mortels a l'impression de perdre la mémoire  - et ce serait du au fait que l'on imagine notre futur bouché ! Car il existe aussi une "mémoire du futur" ! Paradoxe !

    Denis Peschanski, historien et Francis Eustache, neuroscientifique nous présentent ensuite leurs recherches en cours, selon de multiples axes sur la mémoire d'un événement traumatique, le 13 novembre 2015 au Bataclan et alentours. ils étudient les syndromes post-traumatiques et notamment comment évolue la perception de ce drame contemporain au fil du temps ! C'est très instructif !

    Puis, on a un panorama de la pensée de plusieurs philosophes célébres, de Raymond Lulle, René Descartes à Sigmund Freud, Henri Bergson et Paul Ricoeur sur la mémoire et l'importance de nos souvenirs en appuyant sur ce qui rapproche et sépare ces penseurs sur ce sujet !

     Le grand spécialiste de la mémoire, Larry R. Squire, nous introduit ensuite aux concepts de mémoire non-déclarative et mémoire déclarative avec la subdivision dans cette dernière entre mémoire épisodique et mémoire sémantique.

    Le dossier central se conclut avec Raphael Enthoven - que je n'apprécie pas trop pour ces récentes prises de positions outrancières contre les Gilets Jaunes ! - qui nous commente des extraits de Proust sur la mémoire là encore ! On connait évidemment le passage de la madeleine ou des pavés déchaussés !

    J'ai trouvé passionnante l'interview de la sociologue Eva Illouz qui suit où elle nous montre que l'amour est un processus en déclin dans nos sociétés, et lié au capitalisme et à la marchandisation des objets ! Pessimisme ? En tout cas, je suis d'accord avec elle quand elle dit que le mal-être des gens dépends autant d'une faiblesse de notre psychisme individuel que de la pression que fait peser une société devenue folle sur chacun - et aux psychiatres de prescrire du chimique pour faire rentrer les gens "dans les cases" !

    Je ne connaissais pas le penseur perse Sohrawardi condamné à mort pour hérésie envers l'Islam, dans la seconde moitié du XIIème siècle ! Ce philosophe s'inspire de Platon mais modifie le dualisme de celui-ci en ajoutant au monde des idées et au monde sensible un troisième monde, celui de l'âme que nourrissent les rêves et la poésie ! Intéressant là aussi !

    Le magazine se termine comme à l'habitude par quelques rubriques à visée pédagogique - comme un exemple de rédaction pour bacheliers et étudiants en philo sur "liberté et égalité" - point de désaccord traditionnel entre la Droite et la Gauche ! Puis la "revue de presse" et présentation des derniers ouvrages importants parus dans le domaine de la philosophie !

    En conclusion, un numéro un peu faible pour ce qui a trait à l'actualité ! Je n'aime pas leur prise de position plus ou moins avouée anti-Gilets Jaunes (mais qui transparait dans un quizz un peu moqueur à la fin du numéro !). Ce Philosophie Magazine  est plus convaincant lorsqu'il revient sur les classiques et l'Histoire de la Philo ! Manque de recul ?

    Et j'allais oublier le carnet central sur des extraits de Essai sur l'entendement humain de John Locke.

    Ce billet est le 1600ème de mes Skyblogs, le 2535ème d'Overblog et eklablog et je crois le 2717ème au total que j'ai écris dans ma carrière de bloggeur !

    A bientôt !


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  • Tandis qu'en ce mois de janvier 2019, est sorti Sagesse, le troisième - gros - tome de la "Brève encyclopédie du monde" de Michel Onfray (qui à l'origine ne devait comporter que trois volumes mais en aura trois de plus si on prête vie à son auteur !), je vais revenir sur le précédent opus, Décadence, paru en 2017 qui parle de l'effondrement de la Civilisation judéo-chrétienne 

    Onfray part d'un constat et d'un présupposé : si des civilisations comme celle de l'Égypte antique, celle des Sumériens ou celle de Rome ont disparu, rien n'indique que la notre ne subira pas le même sort ! Il va même plus loin en affirmant que le processus est amorcé depuis des siècles !
     
    Le livre du philosophe ornais compte plus de 800 pages en édition de poche et c'est une véritable somme d'érudition !  L'auteur est décidément un "bourreau de travail" ! Toutefois, beaucoup de chroniqueurs ont pointé le "pessimisme" d'Onfray voire son "ressentiment" ! L'auteur ayant connu un orphelinat catholique dont il nous rappelle régulièrement les mauvais traitements que des prêtres salésiens pédophiles faisaient subir aux enfants, s'est toujours montré depuis résolument athée !
     
    L'ouvrage procède donc en trois temps ! D'abord la genèse de la religion chrétienne, depuis la "fable Jésus", les diverses sectes des premiers temps... Ensuite l'apogée au Moyen âge, dans une société réglée sur le religieux, où les Rois tirent leur pouvoir de Droit divin ! Puis le déclin, amorcé dès la Renaissance, avec le schisme protestant, la montée de l'esprit rationnel, les Lumières, Vatican II etc,...
     
    Comme on s'en doutera, on a tous les passages obligés de l'exercice : Jésus, le déni du corps, le Péché originel, Saint Paul, Constantin et Théodose, l'Islam, les Croisades, l'Inquisition, la Découverte du Nouveau Monde et le génocide des Amérindiens, Giordano Bruno, les hérésies, les procès d'animaux, la Saint-Barthélémy, la Contre-Réforme, la Révolution française, Nietzsche et la "mort de Dieu", le nihilisme contemporain, les rapports entre la papauté et le nazisme, Mai 68, la Révolution Iranienne de 1979, Ben Laden et le 11 Septembre !
     
    Je ne reviens pas sur tous ces "événements" car aurait bien l'occasion d'en reparler un jour dans des articles dédiés dans mes rubriques "Histoire" dans mes blogs !
     
    Michel Onfray reprends aussi des éléments qui étaient déjà dans son Traité d'athéologie et dans sa Contre-Histoire de la Philosophie (notamment sur Épicure et Montaigne !). Il s'inscrit aussi en quelque sorte dans la lignée de Samuel Huntington.
     
    Notre philosophe se donne ici un peu le rôle de penseur omniscient, n'évite pas les raccourcis intellectuels et les jugements à l'emporte-pièce ! Il semble en effet difficile de brasser un aussi large éventail de connaissances sans faire des approximations ! On comprends que ça ai pu en énerver certains !
     
    Pour ma part, je suis un grand admirateur d'Onfray et ai lu du début à la fin une douzaine de ses ouvrages (et parcouru/entamé une demie-douzaine d'autres !). Je serais toutefois plus réservé sur ce Décadence qui prête à polémiques et pourra blesser quelques chrétiens sincères !
     
    Pour être complet, ce volume a donné lieu à une série de conférences, dans le cadre de l'Université Populaire fondée par l'auteur en 2002, qui s'est tenue à Deauville en 2018 - et qui constitue la dernière saison de cette manifestation, annulée au cours du cycle Décadence qui aurait du se conclure en 2019, Onfray ayant été lâché par les politiques de Basse-Normandie et par France Culture qui en assurait les retransmission l'été (la plus forte audience estivale de la chaîne de radio d'ailleurs ! Mais bon quand les ordres viennent de l'Élysée, les pantins placés par cooptation s'inclinent !).
     
    A bientôt !

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  • L'ontologie est la partie de la philosophie qui traite de l'être ! Or cette problématique a été traitée depuis les origines de l'Histoire de la pensée. Déjà chez Aristote, on a les Catégories qui classent les "choses" en essence (ousia en grec) et attributs.

    Mais pour Martin Heidegger, cette question a été délaissée dans les temps modernes et en tout cas n'a pas été résolue bien qu'elle soit fondamentale ! C'est pourquoi le philosophe allemand - connu pour s'être compromis avec les nazis mais bon, ce n'est pas le sujet !- tenant de la phénoménologie en bon élève d'Husserl tente de reposer la question de l'être dans le monumental - par le nombre de pages et la teneur du propos ! - Être et Temps, publié en 1927.

    Je n'ai pas évidemment l'ambition d'expliciter ici totalement, ni même partiellement cet ouvrage capital et très ardu en quelques dizaines de lignes ! La tâche est colossale et Heidegger souvent obscur ! Un tel ouvrage doit se lire maintes et maintes fois - en prenant des notes - pour que l'on commence à en saisir le sens ! Je ferais donc un rapide et sommaire survol et ferais probablement des billets plus thématiques dans un certain avenir - ou des écrits dans d'autres cadres que ce blog - pour mes études de philo par exemple !

    Pour produire une analyse précise de cet ouvrage monumental, je prévois toute une série d'articles qui reviendrons sur chacune des parties du livre ! Ce billet a pour principale fonction de teaser/d'annoncer cette série à venir !

    Pour Heidegger, dès l'incipit, il convient de distinguer l'être et l'étant ! L'étant est de l'être porté à l'existence, de l'essence réalisée. Il y a une grande diversité d'étants - tout ce qui est en fait ! - témoins d'autant d'être ! Or pour étudier l'être, en plus d'une méthode - qui sera l'analytique existentiale, il nous faut un être qui s'y prête bien. Cet être, pour Heidegger est le Da-Sein ! Explicitons !

    Dès la Deuxième Section de la Première Partie, le philosophe introduit le temps, qui est un aspect fondamental du problème ! En effet le Da-Sein est inscrit dans le temps. Mais il a bien d'autres "caractéristiques" (mais pas véritablement d'attributs !), comme la mondéité. Le Da-Sein est la grande affaire d'Heidegger et nous y reviendrons dans les prochains billets sur cet ouvrage !

    Pour terminer cette introduction très rapide sur Être et Temps, quelques infos biographiques sur ce philosophe !... On retiendra qu'il fut l'élève d'Edmund Husserl et prolongea la réflexion de celui-ci sur la phénoménologie, l'orientant plus dans une perspective ontologique.

    Le grand soucis avec Heidegger est sa compromission avec le régime nazi ! Est-ce que cela disqualifie pour autant sa pensée, je ne le pense pas !

    A bientôt !


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  • Les Cahiers de l'Herne consacrent le numéro 114 de leur revue au grand penseur contemporain, bientôt centenaire, Edgar Morin, le père de la pensée complexe !

    Morin est l'auteur de La Méthode, œuvre en six volumes, débutée en 1977 et qui se présente plus comme une "stratégie qui s'adapte" que comme un programme rigide. Ce numéro de L'Herne de plus de 200 pages contient des inédits du philosophe/sociologue, des hommages de ses amis, des articles de fond, des lettres, des poèmes, etc,... C'est une revue de haute tenue et très instructive !

    Notre penseur souligne l'ambivalence du monde moderne - monde qui débute à la Renaissance (mondialisation commencée avec Christophe Colomb) - entre création et destruction. On a eu le péril atomique et désormais, on a la menace du réchauffement climatique ! Va-t'on vers un suicide de l'Humanité ? L'Humanité est immature et il y a nécessité d'une métamorphose !

    La pensée de Morin doit nous permettre de penser ces crises. Le monde d'aujourd'hui est difficilement intelligible et doit être envisagé dans la complexité. La crise est devenue le mode d'être de nos sociétés et constitue un stade de leur développement, entre organisation et désorganisation. Morin nous invite à penser le tout et les parties, dans un mouvement dialogique ou encore de circularité et de rétroactions.

    Le principe universaliste de l'Humanisme a été mis à mal par la colonisation. Faut-il penser un nouvel Humanisme ? Mais qu'est-ce qu'un "être humain" ? A la fois biologique et social ! Nature et culture ! Il ne faut plus compartimenter le savoir et il faut au contraire réconcilier Sciences de la Nature et Sciences de l'Homme. On a en fait une Trinité : individu, société, espèce !

    Edgar Morin - L'HerneUne grande partie de l’œuvre de Morin - et en particulier La Méthode - traite de questions d'épistémologie. On assiste à une nouvelle épistémologie, en effet, dans la seconde moitié du XXème siècle à partir des travaux de George Ganguilhem. Il faut, pour Morin, relier les connaissances, pratiquer l'interdisciplinarité.

    Descartes a séparé les objets de connaissances en éléments simples et a fonder la science moderne (avec Bacon et Galilée) ! Morin allie Sciences de l'Homme et Sciences de la Nature et veut dépasser l"Homme, "maître et possesseur de la Nature" !

    Quant à la nature de l'Homme, Morin montre que celui-ci n'est pas que raison mais aussi passions ! Complexité de l'être humain ! Il est Homo sapiens / Homo demens, Homo faber / Homo ludens, Homo oeconomicus / Homo consumans, Homo prosaicus / Homo poéticus et Homo empiricus / Homo imaginarius ! Le monde actuel n'est pas exclusivement rationnel ! L'Homo demens  caractérise la démesure du  XXème siècle - que les Grecs nommaient Hybris !

    Il faut penser la Folie et le chaos, le désordre ! Étrangement, ce n'est pas la Folie qui a crée la bombe H mais la Raison ! Ceci Morin le remarque !

    La Raison/ Le logos succède aux mythes ! Il y a un parallèle entre la foi dans les dieux et l'attachement à des idées : "mourir pour ses idées" ! Le Marxisme fut la religion du XXème siècle. il y  a des idées philosophiques, politiques ou scientifiques.

    Il faut coordonner les données hétérogènes pour éviter l'idéologie ! Il y a  contestation par Morin et éboulement des trois piliers de la science : la nature est déterministe et obéit à des lois, la séparabilité des objets et la preuve établie par induction/déduction  !

    "Edgar Morin est un homme traversé par la pensée." Il produit de la pensée, une méthode et des concepts mais s'abreuve aussi de la pensée, s'informe des dernières connaissances, lit beaucoup dans tous les domaines ! Il a une capacité d'accueil, d'écoute, de sympathie et de modestie et est envahi par les pensées d'autrui. Il pratique par ailleurs une certaine indifférence aux jeux mondains et à l'aristocratie intellectuelle - longtemps snobé par l'Université française mais étudié ensuite en Amérique du Sud notamment.

    Les domaines d'études d'Edgar Morin sont vastes et inclut aussi le cinéma et la "culture de masse", à travers des essais comme Le Cinéma ou  l'homme imaginaire, Les Stars  ou L'esprit du temps. Morin est un spécialiste d'études filmiques. Le penseur de la complexité réalise même un premier film, en 1960, Chronique d'un été, avec Jean Rouch, qui fait s'exprimer la jeunesse et des individus significatifs de l'époque, à la recherche du bonheur et qui révèle leur désarroi ! Plus tard, Morin écrira le scénario de L'Heure de la vérité. A travers les suicides de stars, comme Marilyn Monroe, et les films de la "Nouvelle Vague", ce sont les "happy end" à la Hollywood qui disparaissent ! Mai 68 n'est pas loin !

    Morin aime le cinéma à une époque où des intellectuels comme ceux de l’École de Francfort (Adorno et Marcuse) méprisent cet art, et le juge comme un outil d'aliénation des masses ! En réalité, les films permettent d'étudier les archétypes. Ils sont les nouvelles mythologies comme le Western !

    Revenons maintenant sur le parcours de Morin, sa biographie ! Il est issu d'une famille juive originaire de Salonique. Il perds brutalement sa mère à l'âge de 10 ans : "l"œuvre pour reconstruite la mère" dira la psychocritique et Morin écrira notamment L'Homme et la Mort, un de ses premiers livres, en 1950 !

    Notre homme a un passé de Résistant durant la Seconde Guerre mondiale et abandonne son patronyme de Nahoum pour son nom de Résistant, Morin. Alors communiste et gaulliste, Morin est exclu du PC en 1951 suite à un article polémique qu'il a rédigé pour une revue. Il s'expliquera de son engagement communiste et de cette rupture dans le texte intitulé Autocritique.

    Son premier ouvrage fut L'An zéro de l'Allemagne, en 1946

    Il y a la rencontre avec Roland Barthes au moment ou Barthes écrivait ses Mythologies (voir mon billet là encore !)

    Morin fonde la revue Arguments  à l'hiver 1956 avec Roland Barthes, Jean Duvignaud et Colette Audry. Cette revue durera jusqu'à l'hiver 1962 et promouvait une pensée hétérodoxe qui veut se renouveler !

    Morin fut aussi un proche de Marguerite Duras. Les archives de ces deux-là sont conservées à l'IMEC à l'Abbaye d'Ardennes, près de Caen, près de chez moi !

    La langue morinienne est faite de néologismes avec une forte mobilisation des préfixes pour traduire la complexité. Il utilise aussi des métaphores comme celle de la chrysalide pour souligner son changement personnel, celui de son œuvre et de la société !

    Morin commente Mai 68 avec Cornelius Castoriadis et Claude Lefort. Il fait œuvre de sociologue avec notamment La rumeur d'Orléans où il analyse les mécanismes de la rumeur, dirigée ici contre les commerçants juifs avec un antisémitisme latent. Ma propre grand-mère avait entendu cette rumeur à l'époque et n'en démordait pas sur sa véracité : c'est arrivé ! "Je connais quelqu'un qui connaît quelqu'un !" ...

    Mais le penseur de La Méthode  a commence à se dissocier de la sociologie à partir de la fin des années 1970 (1977 : parution du premier tome de La Méthode - voir mon billet dessus !). A partir des années 1980, la sociologue devient affaire de spécialistes et non plus d'intellectuels ! Des spécialistes qui ne s'engagent pas politiquement, contrairement à Morin !

    Dans la pensée de Morin, l'improbable doit être considéré (contre la statistique et plus largement le calcul qui a court depuis Descartes !). Morin a par ailleurs une pensée systémique et pas systématique !

    Edgar Morin propose aussi de rénover l'enseignement (La Tête en friche, Relier les connaissances - le défi du XXIème siècle, Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur, La Voie -voir aussi mon billet -  et Enseigner à vire - manifeste pour changer l'éducation). Notre penseur croit à la pédagogie du "grand récit" (depuis le Big Bang !). De plus, pour lui, la littérature est un lieu de vie et peut nous apprendre au même titre que la philosophie et les sciences ! En matière d'enseignement, il faut remettre - avec Platon - l'Eros au cœur ! Enfin, dans la pédagogie morinienne, il s'agit de montrer comment on est parvenu à établir la connaissance (métadiscours !), à bien réfléchir pour éviter les erreurs ! Déceler les mouvements browniens de la pensée !

    La Terre est actuellement propulsée par 4 moteurs : sciences,  technique, industrie et capitalisme. Il convient de les contrôler, régulés par l'éthique ! Enjeux de l"ère planétaire" ! Penser la complexité pour résoudre les problèmes actuels !

    Quelques mots encore sur l'épistémologie de Morin !

    Pour lui, il convient de penser le savoir en tenant compte du sujet, c'est valable pour toutes les sciences ! L'Homme est aussi, on l'a vu, passions ! Même le mathématicien a la passion des mathématiques ! On s'implique dans sa propre connaissance !

    On va retrouver un certain pessimisme lié à une vision simplificatrice des choses (à travers l'effondrement écologique ou le transhumanisme !).

    On a une chaîne qui remonte du social au physique et au cosmologique - et forme le "grand récit" en redescendant ! Morin entends réformer nos modes de pensées et de connaissances afin de mieux relever les défis du siècle qui commence ! C'est une tâche énorme que d'autres devront poursuivre !

    J'aurais l'occasion de vous reparler d'Edgar Morin - vous en ai déjà parlé maintes fois ! - car je trouve ce type stimulant !

    A bientôt !


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  • Le Critias - ou De l'Atlantide - est l'un des derniers dialogues de Platon, très court, censé former une trilogie avec le Timée et un autre texte intitulé Hermocrate qui n'a jamais été retrouvé ! Sur ce dernier dialogue, Friedrich Nietzsche suppose qu'il a été réécrit et incorporé aux Lois. Le propos de cette trilogie est de présenter l'univers, l'Homme et la société !

    De plus, Critias est un texte incomplet ! En effet, la fin manque ! Il y est question de l'Atlantide de manière encore plus détaillée que dans le Timée où elle n'est qu'évoquée ! Le récit de Critias fait suite à celui de Timée et il nous décrit une île riche en ressources et dont il nous détaille la géographie, la population et le régime politique.

    Initialement, les dieux se sont partagé le monde ! Ainsi, il y a 9000 ans, Poséidon s'est uni sur une haute montagne au centre d'une île par delà les Colonnes d'Hercule avec une mortelle nommée Clitô ! De cette union, naquirent dix enfants qui devinrent les dix rois des dix régions de l'Atlantide, unis sous une loi gravée dans le temple de Poséidon sur une stèle d'orichalque, le précieux métal lié au mythe de l'Atlantide !

    La géographie de l'Atlantide s'organise autour de la montagne centrale, en cercles concentriques, alternance de canaux, de cités et de murailles. L'île est une nation puissante qui s'oppose dans un conflit antique à l'Athènes de l'époque alors plus grande que l'Athènes de Platon ! Sous l'égide des dix rois, s'organise une armée puissante et innombrable !

    La visée de ce texte est aussi de décrire une cité idéale telle qu'elle est exposée en théorie dans La République. Il s'agit aussi de montrer que l'Athènes d'alors est capable de s'opposer à des ennemis puissants unis par des rois fabuleux !

    La fin du récit qui manque - et dont on suppose qu'elle n'a en réalité jamais été écrite, devait raconter dans le détails la guerre entre les Atlantes et les Athéniens ! Mais Platon nous laisse sur notre faim !

    Mine de rien, nous nous acheminons vers la fin du - long ! - corpus platonicien !

    A bientôt !


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  • Timée - PlatonLe dialogue du Timée est un dialogue tardif de Platon, un de ses derniers textes ! Sous-titré De la Nature, il tient à la fois de l'exposition de Cosmogonie que de la présentation de Sciences naturelles ! C'est aussi dans ce texte - avec le Critias - , que l'on trouve une allusion assez conséquente au mythe de l'Atlantide !

    Le texte s'ouvre par un bref échange entre Socrate, Critias et Hermocrate - avec des rappels à l'autre texte qu'est La République, concernant en particulier la communauté des femmes et des enfants puis Timée de Locres, un philosophe pythagoricien propose alors une très longue réflexion sur la nature du monde physique - basé sur les mathématiques, idée chère aux pythagoriciens et que reprendra Galilée en disant que "le monde est écrit en langage mathématiques" des siècles plus tard !

    Disons-le tous de suite les principes de physique sur lesquels reposent l'explication du monde du Timée sont complétement obsolètes ! Pour faire cours, il est supposé un démiurge, un dieu créateur qui se comporte à la manière d'un artisan, qui fabrique le monde, celui-ci reposant sur les quatre éléments que sont le feu, l'eau, la terre et l'air ! Il est aussi question de proportions mathématiques et de triangles et de figures ! Tous ces éléments se combinent entre eux - pour former la matière ! - et se transmutent !

    Ici Platon prends le relais des poètes comme Hésiode et nous fournit le plus ancien ouvrage de cosmologie qui nous soit parvenu dans son intégralité. Là encore tout part du Chaos primordial et on a ici un récit alternatif à celui des poètes !

    Les domaines de connaissance abordés par le Timée sont très larges ! Il y a vraiment à boire et à manger dans ce texte ! Jugez plutôt ! Mathématiques, biologie, chimie, médecine, psychologie, politique et religion sont abordées ! Enfin, je ne l'ai pas dit plus tôt mais la question de l'âme est évoquée ! Les dieux, tels Zeus, Héra ou Hadès sont ici en fait des dieux secondaires crées par le démiurge. Le mouvement et le temps sont traités de même que l'opinion et le discours vrai... On a donc bien ici un large éventail de problématiques - même si tous les principes énoncés sont dépassés et certaines explications, bien naïves, feront sourire !

    En fait, on se rends vite compte que le philosophe est tout aussi démuni que le poète pour fournir un système du monde ! C'est ainsi la thèse de Luc Brisson, un grand spécialiste de Platon que j'aurais peut-être l'occasion de vous présenté une autre fois ?

    Voilà, il y aurait beaucoup à dire sur ce texte mais je ne vous livre ici qu'une présentation générale ! C'est un texte un peu "technique" en un sens, par moment, en ce sens qu'il livre quantités d'explication des phénomènes de la nature d'après une méthode qui se veut hypothético-déductive et qui repose largement sur la logique. On abordera plus amplement les systèmes d'explication de la Nature - la Pḧysique et la Biologie principalement - lorsqu'on abordera l’œuvre d'Aristote (bientôt !).

    A bientôt donc justement !


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  • Le Politique - PlatonNous allons nous intéresser aujourd'hui au dialogue de Platon intitulé Le Politique. Ce texte fait suite au Théétète et au Sophiste. Après s'être demandé quelle était la figure du sophiste, l’Étranger d’Élée se demande qui est le politique et à quoi correspond l'art royal ! Le dialogue est en effet sous-titré De la Royauté.

    Ce dialogue ne mets pas en scène Socrate - qui n’apparaît plus dans les textes désormais - mais l’Étranger d’Élée et Socrate le Jeune (qu'on ne peut confondre avec le mentor de Platon !).

    Le Politique et le Philosophe font, au contraire du Sophiste, parties de ceux qui savent ! Le texte débute par une interrogation sur ce que sont les différentes sciences, les arts de la connaissance. Comme dans le texte précédent, Le Sophiste, on procède par division/dichotomie.

    Ainsi, ceux qui possèdent la science royale devraient être les seuls à pouvoir être roi - mais de quoi s'agit-il ? Premier division : entre les sciences qui ont des conséquences dans l'action et les sciences théoriques où on travaille avec la force de son âme. C'est le cas de l'art royal qui est plutôt commandement que jugement. Il n'est pas un héraut qui retransmets les commandements d'autrui.

    L'art royal parce qu'il commande aux vivants, les hommes, est assimilé à l'élevage. Se pose alors la question de la division des vivants (hommes, bêtes,...) à ce stade !

    L'art royal est donc l'art de paître les hommes mais les laboureurs, les boulangers et les maîtres de gymnase pourraient alors aussi revendiquer cet art et le titre de pasteur d'hommes !

    Souvent, dans ses textes, Platon, qui se revendique pourtant du Logos, (la raison), recours aux mythes. Il évoque dans ce dialogue le monde en mouvement inversé, un temps où c'étaient les dieux qui faisaient paître les hommes. Mais un jour, ils lâchèrent la barre et le monde sombra dans le chaos, repris son mouvement naturel, les êtres s'écoulant alors dans le temps de la naissance à la finitude.

    De là, Platon - à travers l’Étranger, montre que la figure de pasteur divin est trop haute pour un roi. il faut distinguer les pasteurs d'aujourd'hui et ceux du temps de Cronos ! En fait le politique est "celui qui soigne les animaux bipèdes vivants en groupes."

    Il est ensuite question de la formation de la science en nous ! Pour apprendre des choses aux individus, il faut recourir à des exemples et des comparaisons - Platon prends alors l'exemple du tissage et montre qu'il y a des arts producteurs et des arts auxiliaires. Et les arts comme le tissage ou la politique se règlent sur la juste mesure ! Et la dialectique s'exercera mieux sur les petites choses !

    Ensuite, on a une évocation des cinq formes de gouvernement. Trois formes droites : la monarchie, l'aristocratie et la démocratie et deux formes dénaturées/déviées, la tyrannie ou l'oligarchie où l'illégalité remplace la légalité ! Je vous renvoie à mon billet sur Les Politiques,  texte de l'élève de Platon, Aristote, qui reprends cette typologie.

    Seuls quelques individus seront capables d'être des politiques et des rois car l'art de la politique est un art qui ne s'acquiert pas par la multitude !

    Platon interroge la question es Lois ! Doit-on et peut-on avoir un gouvernement sans lois ? Or la loi est généralité et comme les individus sont tous différents, elle ne saurait s'appliquer à tous les cas ! Il y a uniformisation contre multitude. Le législateur n'ajuste pas ce qui convient à chacun mais ce qui convient à la majorité. Dans les faits, il faut agir contre les règles écrites et les coutumes des ancêtres.

    On a ensuite une comparaison avec le médecin et le capitaine de navire afin de dire que celui qui n'utiliserait pas à bon escient son art devrait être traduit devant les tribunaux !

    L'art politique doit enfin être séparé de l'art militaire et de la jurisprudence. Il doit l'être aussi de la rhétorique qui est une science qui lui est en fait subordonnée !

    Le politique est donc celui qui veille sur les hommes, les instruit et prends soin d'eux, qu'ils soient bons ou mauvais. A ce stade, Platon édicte des règles d'association entre les individus, à travers les mariages.

    L'art royal évoqué dans ce dialogue, Le Politique, fait aussi écho aux prescriptions et au Philosophe-Roi d'un texte antérieur de Platon, La République !

    En tout cas, je constate là encore que ce texte est plus ardu que les textes de jeunesse de Platon !

    En espérant vous avoir éclairé, mais rien ne vaut la lecture directe du dialogue en question par vos soins !

    A bientôt !


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