• Bonjour à tous ! Après plus de 300 billets sur l'ancienne version d'over-blog, je reprends la bibliothèque de drizzt en version 2.0 sur cette nouvelle mouture du blogging !

    Nous allons nous intéresser aujourd'hui à un ouvrage de sociologie littéraire signé du penseur hongrois de la première moitié du XXème siècle, Georg Lukacs. C'est un de ses écrits de jeunesse, paru en 1920, qui suit L'Ame et les formes et que l'intellectuel précité reniera en partie lorsqu'il adhérera au communisme après la Première Guerre Mondiale.

    De quoi est-il question dans ce livre ? Autant vous le dire tout de suite, sa lecture est ardu et plutôt du domaine des universitaires, des étudiants en Lettres. Lukacs se pose la question de l'adéquation entre le personnage et le monde tel qu'il est d'abord mis en jeu dans l'épopée puis dans le roman.

    Historiquement à l'épopée homérique de l'Antiquité, succède la Chanson de geste puis le roman de chevalerie. Ensuite, à la Renaissance, Cervantes parodie le roman de chevalerie dans son célèbre Don Quichotte. S'ensuit toute une tradition de roman et de grands auteurs depuis Rabelais jusqu'au romantisme puis au roman moderne.

    C'est bien la relation entre l'homme et la société qui est pensé par Lukacs et comme le dit Lucien Goldmann : "le roman est pour Lukacs la principale forme littéraire d'un monde dans lequel l'homme n'est ni chez soi, ni tout à fait étranger".

    Ainsi, dans l'épopée, il y a une communauté fondamentale et l'homme parcequ'il est guidé par les dieux ne doute pas de son destin. Le roman, lui, est la forme de la solitude dans la communauté, de "l'espoir sans avenir", bref la "forme littéraire de la maturité virile".

    La théorie du roman dresse une typologie des romans suivant l'(in)adéquation de l'âme et du monde : roman d'aventure, de divertissement, d'éducation, Bildungsroman (modèles de Goethe et de Stendhal), roman de la nature de Tolstoï. Flaubert et son Éducation sentimentale sont aussi mis à contribution.

    Je n'aurais pas la prétention de reprendre et d'étendre la réflexion sur le livre de Lukacs dans l'espace très restreint de ce blog et de ce billet. D'abord parceque l'ouvrage est très riche, brillant - et je l'ai dit difficile d'accès - et ensuite parce que cela dépasse mes compétences. Cependant, si vous êtes étudiant(e) en lettres et travaillez sur la sociologie du roman, vous ne pouvez pas passer à côté de ce livre (surtout si vos travaux ont aussi quelques rapport avec la pensée marxiste).

    Sur ces mots, à bientôt !


    votre commentaire
  • Écrire est un acte plurimillénaire, aussi ancien que les civilisations.

    Les conditions de production et de diffusion (tablettes, rouleaux, codex, imprimerie, internet) influent sur l'acte de production d'écrits. Il y a tout d'abord les conditions de productions matérielles. En effet, les techniques influencent la forme et les genres des œuvres.

    Citons par exemple, la littérature épistolaire, culminante avec Madame de Sévigné et se poursuivant jusque dans les années 1920 - 1930. Là encore, ce type de littérature a pris de l'ampleur avec l’avènement de la poste jusqu'à l'invention du téléphone. Aujourd'hui, les correspondances d'écrivains ont reculé devant l'emergeance du mail. Je vous renvoie à mon récent billet sur François Bon.

    Un autre genre est celui du roman-feuilleton qui se développe avec La Presse  d'Emile de Girardin en 1836. Il commence avec Les Mystères de Paris d'Eugène Sue jusqu'à George Simenon dans les années 1960, auteur longtemps déconsidéré qui a finalement fait l'objet d'une édition de la Pléiade ! Tout ceci a été rendu possible par le développement de la presse quotidienne et de la rotative. Avec la naissance de la télévision, on entre dans une nouvelle ère, celle des séries-télé dont j'ai déjà parlé dans maints billets sur biblio-drizzt !

    Un autre aspect de l'écriture est de considérer la vie de l'auteur. C'est la critique biographique de Sainte-Beuve. La vie privée de l'auteur peut éclairer le sens de l’œuvre. Proust affirme le contraire dans son Contre Sainte-Beuve  et parle d'un Moi artiste et d'un Moi privé qui sont séparés. Il faut aussi noter la valeur du pseudonyme qui permet à l'écrivain une certaine distance du Moi qui prend en charge l'écriture de l’œuvre !

    Par ailleurs, une œuvre donne à voir sur une époque. L’œuvre est-elle le reflet de la société ? Ainsi au XVIIème siècle, les salons littéraires favorisent les formes courtes : maximes, proverbes, sentences, lettres, fables... La privatisation de la littérature va au contraire mettre en avant les formes longues, avènement du roman au XIXème siècle et de l'essai au XXème siècle après la naissance des intellectuels après l'affaire Dreyfus.

    Enfin, un écrivain est aussi un lecteur. Il est influencé par ses lectures qu'il cite consciemment ou inconsciemment. C'est ce que l'on nomme l'intertextualité ! Un écrivain produit son œuvre dans les limites des codes de la langue. il y a une fonction normative de l'usage de cette langue. Le style est alors un écart par rapport à cette langue. Que l'on pense à celui de Louis-Ferdinand Destouches (Céline) !

    Je terminerais en disant que la littérature se classe en faisant appel à des genres dont les frontières sont parfois floues et fluctuantes. Pour en revenir au XVIIème siècle, les grands genres étaient la tragédie et l'épopée. Le genre est pratique en cela qu'il donne des codes d'écriture : la règle des trois unités, de la bienséance et de la vraisemblance pour la tragédie classique. Le genre, enfin, produit un horizon d'attente chez le lecteur.

    Sur ces mots, je vous dis à bientôt !


    votre commentaire
  • Pour ceux qui ne suivent pas comme moi un cursus littéraire, il est bon de présenter Roland Barthes. Il est en effet l'un des critiques littéraires et des théoriciens de la littérature les plus en vue parmi les universitaires. Il occupa de 1976 et durant quatre ans jusqu'à sa mort la chaire de sémiologie au Collège de France.

    Barthes s'est intéressé à la structure du texte, aux mécanismes de l'écriture et à l'interprétation des signes.

    Le degré zéro de l'écriture, disponible en édition Points-Essais, est suivi, des Nouveaux essais critiques (sur La Rochefoucauld, l'Encyclopédie, Chateaubriand, Proust, Flaubert et Fromentin). Il se divise lui-même en deux partie, la première plus théorique définit les concepts de style, langage et écriture, la seconde est plus "contextualisé" bien qu'il soit un peu déplacé de parler de contexte ou d'Histoire dans le cadre d'une étude structuraliste. Je vous renvoie aussi à mon article sur "les formalistes russes".

    Je vais me contenter dans ce billet de faire un bref compte-rendu, forcément lacunaire et simplificateur de la première partie. Je le répète rien ne remplace la lecture des œuvres, tenez-vous le pour dit collégiens et lycéens qui venez cherche des fiches de lectures sur biblio-drizzt. :)

    Dans le premier chapitre, Barthes définit donc langage, langue, comme le socle commun dont dispose les écrivains pour façonner leurs œuvres. Il définit aussi le style comme le propre de l'individu, issu du plus profond biologique : "'horizon de la langue et la verticalité du style[qui] dessinent pour l'écrivain une nature car il ne choisit ni l'une ni l'autre.'

    A contrario, l'écriture est une réflexion de l'écrivain et un choix qu'il assume. Elle est clôturée et désigne une Liberté qui n'est pas la même selon les différents moments de l'Histoire.

    Dans le chapitre suivant, l'essayiste s'attarde sur les écritures intellectuelles et politiques : l'écriture révolutionnaire qualifiée d'écriture emphatique, l'écriture marxiste et stalinienne et l'écriture intellectuelle proprement dite, celle de Combat et des Temps modernes. opter pour cette écriture codifiée, c'est montrer son appartenance à un groupe.

    Le chapitre trois revient sur l'écriture du roman et deux de ses modalités l'usage du passé simple, qui pour simplifier le propos de Barthes renvoie à un temps contrôlé"un acte clos, défini, substantivé", et l'usage de la troisième personne.

    Enfin Barthes se penche sur l'écriture poétique et pointe les écarts entre la poésie classique faite de règles (mètre, rimes...) et la poésie moderne qui redonne tout son pouvoir au hasard et par la même toute sa puissance au Mot.

    Vous l'aurez peut-être constaté Barthes est un critique très perspicace et par là-même très intéressant. De plus, il y a un style Barthes. Comme on dirait : "c'est bien écrit" !

    A bientôt !


    votre commentaire
  • Penchons nous aujourd'hui sur le roman !

    Genre longtemps décrié, accusé de pervertir les mœurs, il prend véritablement son essor au XIXème siècle. Genre qui occupe de nos jours le devant de la scène littéraire, il reste pourtant difficile à définir.

    Nombres de théoriciens de la littérature ont tenté de préciser ce qu'il était, de définir des sous-genres : roman historique, roman noir, roman sentimental. Pourtant, ces tentatives restent peu satisfaisantes tant il est polymorphe.

    Marthe Robert a choisi une approche psychanalytique. Sa théorie repose sur Le roman familial des névrosés, texte de Freud. De quoi est-il question?

    Au début de sa vie, le tout petit enfant perçoit ses parents comme des divinités protectrice. Puis, avec la socialisation, il s'aperçoit qu'ils ne sont pas si irréprochables que cela. Dès lors pour surmonter ses angoisses, il s'évade dans la rêverie et s'imagine "Enfant trouvé". Ses parents ne sont pas ses vrais parents.

    Puis, en grandissant, l'enfant prend conscience de la différence sexuelle. A ce moment là, il n'y a plus ambiguïté sur la mère mais le statut du père pose problème. Son père n'est pas son vrai père et c'est le stade du "Bâtard". Ensuite vient le complexe d'Oedipe.

    En littérature, cela se traduit par deux types de personnages, ceux qui fuient la réalité dans le rêve et ceux qui affrontent la société et veulent la conquérir. D'une part, il y a la fantaisie, d'autre part le réalisme. Donc deux types de romans.

    Dans son ouvrage, Marthe Robert traite ces deux aspects.

    En premier lieu, il y a le cas du roman de Daniel Defoe, Robinson Crusoé et du Don Quichotte de Cervantès.

    Robinson Crusoé recrée autour de lui une société rêvée, loin des hommes tandis que Don Quichotte se perd dans des chimères en combattant des moulins. Tout deux fuient la réalité.

    En deuxième lieu, Marthe Robert aborde "le Bâtard" avec les exemples de Honoré de Balzac et de Gustave Flaubert.

    Balzac est connu pour ses personnages d'arrivistes : Lucien de Rubempré, Henri de Marsay et surtout Eugène de Rastignac

    Flaubert quant à lui est partagé entre deux tendances contradictoires : la rêverie (dans La Tentation de Saint Antoine) et le réalisme (pensez à l'immense travail de documentation pour Bouvard et Pécuchet par exemple)

    Voila, bien entendu ce n'est là qu'un résumé très très succinct et rapide donc forcément lacunaire. Si la littérature et les théories de Freud vous passionnent, lisez cet essai sans tarder !

    A bientôt !


    1 commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique