• L'inconsolable et autres impromptus - André Comte-Sponville

    On retrouve André Comte-Sponville, le philosophe qui donne des conférences aux pontes du CAC 40 leur expliquant que la morale n'a pas sa place en économie, le gars a tout compris, là où était l'argent ! Bref je suis assez dubitatif sur cet intellectuel mais bon passons !

    Un "impromptu" est une petite pièce de composition courte et dans son essai L'inconsolable et autres impromptus, André Comte-Sponville nous propose douze de ces exercices. Passons les en revue rapidement !

    Le premier texte donne son titre à l'ensemble, "L'inconsolable" où notre philosophe aborde la question de la souffrance et dresse le constat trivial qu'elle est inévitable, qu'elle est le lot de la vie et confesse, chose lus intéressante, être un grand déprimé ! Sont abordées également  les notions d'empathie; de compassion et de consolation. Pour se consoler, il convient alors de s'oublier notamment dans le "divertissement". On pourrait évoquer ici évidemment Pascal mais aussi Montaigne.

    Dans "La joie de vivre", Comte-Sponville aborde le contraire de la souffrance à savoir la joie qu'il différencie de la simple "gaieté". Il y a des liens entre ces différents textes car il revient ici à nouveau sur Montaigne, anticipe sur un autre texte sur Beethoven - et son "Hymne à la Joie" - et mentionne aussi Spinoza. Je vous laisse aller découvrir cet impromptu par vous-même.

    "De l'ennui et de l'école" parle du calvaire des élèves lorsqu'ils s'ennuient à un cours ! Des considérations sur le métier de professeur ici suivent. L'enseignant doit-il transformer son cours en spectacle ? En vérité, l'ennui n'est pas forcément négatif car le savoir et l'éducation ne sont pas un jeu et le travail s'accompagne le plus souvent de l'ennui. Effort et ennui vont ensembles et on n'a rien sans rien !

    On aborde ensuite Beethoven et son œuvre, Beethoven, le "compositeur du courage" selon Comte-Sponville, musicien de génie, génie tout court qui affirme sa personnalité dans le siècle du romantisme et dont on distingue traditionnellement trois moments dans la carrière. Artiste d'un abord difficile aussi !

    Dans "D'une passion l'autre", il est question de l'écrivain russe Dostoïevski et ici de sa nouvelle "Le Joueur" et de l'addiction aux tables de jeux et aux casino dont souffrait ce romancier. Comte-Sponville parle alors ici du hasard, des coups du sort mais surtout des addictions, de l'amour et de la facilité qu'on a à s'aveugler sur ses propres faiblesses et failles.

    "Jules Laforgue, poète du dimanche" nous parle d'un artiste déconsidéré, le poète Jules Laforgue, mort trop tôt à 27 ans et dont l’oeuvre est empreinte d'une certaine naïveté et possède nombre de faiblesses mais aussi des morceaux de bravoure. Laforgue puisait ses influences chez Baudelaire (mais quel poète ne l'a pas fait dans ces années 1880 ?) puis chez Verlaine et faisait aussi écho aux écrits de Nietzsche dont La Gai Savoir, répondant par un "triste savoir". On classe traditionnellement ce poète oublié et méconnu, qui écrivait en alexandrins et en octosyllabes et fut un des pionners du poème en prose, parmi les "décadents" et les "symbolistes".

    Dans "L'autre maître", notre auteur partage ses souvenirs de Louis Althusser, un des tenants du Structuralisme et grand remanieur de la pensée marxiste. Comte-Sponville avait commencé par le lire puis le rencontra lors de son passage à l'ENS où notre figure emblématique était caïman et avait son bureau et ses appartements "dans un coin reculé de l'Ecole"? L'essayiste pointe ici le caractère chaleureux du vieil intellectuel mais aussi l'aspect déjà un peu dépassée de sa pensée et il évoque aussi bien sur le drame que l'on connaît quand Althusser étrangla son épouse lors d'une crise de démence. Comte-Sponville reconnaît en lui un maître !

    Dans "La nature et nous", l'auteur montre sa large érudition philosophique en posant le rapport entre l'homme et la Nature, commençant par rappeler que Descartes avait écrit que nous devions "nous poser comme maîtres et possesseurs de [cette] nature". En réalité, nous sommes inclus dans cette Nature, n'en sommes que les usufruitiers et devons en prendre soin ! Cela est vrai depuis que Dieu a commandé à Adam de vivre de son travail, labeur qui aboutira au règne de la technique, le Gestell / l'Arraisonnement du Monde que dénonce Heidegger. Bacon, lui, dira qu'on "ne domine la nature qu'en lui obéissant" car Dieu a établit des lois auxquels la Nature se soumet et donc l'Homme. On pourrait aussi évoquer la "Nature naturante " et la "Nature naturée" de Spinoza...

    Après quelques considérations sur l'intelligence des bêtes, Comte-Sponville aborde dans le texte suivant "Sur les droits des animaux" la question de nos "obligations" envers ceux-ci. En préalable aussi, il pose que droits et devoirs vont ensembles et sont les deux faces de la même médaille. Qu'est-ce qui est le plus condamnable - autant juridiquement que moralement - que de gifler un enfant ou de crever les yeux d'un chat ? Le philosophe rappelle que les animaux sont aussi capable de ressentir la souffrance mais nuance en précisant qu'ils ne lui accordent pas la valeur symbolique et le sens que lui superpose l'Homme. Il en conclue que nous avons bien des devoirs envers les bêtes - mais que sauver les hommes demeurent notre priorité ! Il perd toutefois beaucoup de sa crédibilité, notre auteur, en défendant la corrida, point sur lequel évidemment je ne le suis pas !

    Dans l'antépénultième Impromptu du recueil, "Solitude et isolement", il est rendu hommage au formidable et très utile travail de l'association SOS Amitié dont les bénévoles sont gentiment moqué dans le célèbre Père Noel est une ordure. L'auteur en profite pour poser la différence entre solitude et isolement. La solitude est le propre de l'Homme, de la naissance à la mort car on ne vit ses propres expériences que pour soi et même entouré d'amis, on est seul. L'isolement, lui, est la fin des relations sociales car on sait depuis Aristote que l'homme est un "animal politique",  un être de communications. Cet isolement est de plus en plus fréquent à notre époque qui a brisé les solidarités et l'esprit de communauté d'antan ! C'est là qu'intervient SOS Amitié par le biais de cette invention qui a plus d'un siècle, le téléphone, fait à l'origine pour rapprocher les gens comme il est dit en incipit de ce texte. Au passage, j'en profite pour dédier ce billet à ma Mémé qui souffre parfois de solitude sinon/voire d'isolement ! Courage ma petite Mémé ! On pense à toi !

    "Comme une nouvelle alliance" est l'occasion pour l'auteur, athée, de défendre les Chrétiens persécutés au nom de la liberté de croyance. De nos jours, les conflits religieux reviennent hélas à la mode ! Persécutés sous l'Empire Romain, les Catholiques sont ensuite devenu persécuteurs avec l'Inquisition mais cela ne saurait justifier les persécutions actuelles car on n'est pas responsable des fautes de ses pères (quoi que l'Humanité soit selon le dogme responsable du Péché d'Adam, racheté par Jésus !). On prône aussi ici un certain humanisme et un universalisme

    L'essai se conclut sur le texte intitulé "Quatre mots et un silence" ou notre philosophe définit les limites et oppositions entre la Métaphysique et la Spiritualité. La première est spéculative et concerne l'Esprit, la où la seconde est ancrée dans l'expérience et concerne le Cœur. Comte-Sponville résume sa "métaphysique athée" par quatre termes : matérialisme, rationalisme, actualisme et naturalisme qu'il s'efforce de concilier ensembles. Je ne mentionnerai ici qu'un point commun sur le matérialisme et le rationalisme - car ça nous entrainerait trop loin de détailler les deux autres termes dans cette recension déjà fort longue. Donc, dans le champ du matérialisme, du rationalisme et de l'esprit rationnel, les neurosciences nous disent que la pensée est produite par le cerveau. Mais cette pensée dépasse la simple matérialité et c'est ce petit plus qui fait qu'une pensée est vraie ou fausse et pas le mécanisme des neurones ! Le sens émergeant !

    Voilà ! Cet ouvrage très intéressant se termine sur une note où Comte-Sponville donne la liste des occasions à laquelle tous ces textes furent écris à l'origine, soit pour des revues, des préfaces, occasions sans lesquelles ce livre n'aurait pu voir le jour, comme le remarque et précise l'auteur !

    Je vous souhaite une bonne lecture si vous êtes confinés chez vous ! Prenez bien soin de vous par ces temps d'épidémie de coronavirus !

    Sortez couverts de vos masques de protection !

    A bientôt !

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