• La théorie physique, son objet, sa structure - Pierre Duhem

    Même si je me suis tourné à 30 ans vers la littérature, puis les sciences humaines, ma formation initiale est scientifique (Baccalauréat D) ! J'éprouve un vif intérêt pour l'épistémologie en général et il est possible que je travaille dans ce domaine lorsque je commencerais ma période "doctorats" ! Nous allons maintenant nous intéresser à Pierre Duhem qui est un physicien, chimiste, historien et philosophe des sciences à cheval sur le XIXème et le XXème siècle ! Je l'avais étudié en seconde année de Licence de Philo !

    Quelle est la tâche de la science ? A-t'elle pour but d'expliquer le monde ? De chercher les causes des phénomènes ou simplement de les décrire ? Quelle est la part de la théorie par rapport à l'expérimentation dans tout cela ? Dans son essai, La théorie physique, son objet, sa structure, Pierre Duhem apporte des éléments de réponse !

    C'est Francis Bacon, le chancelier britannique, qui a posé, avant Descartes, les fondements de la science moderne, basée sur l'induction et l'expérience reproductible ! Plus tard, d'autres ont lié théorie et expérience, comme travaillant de concert  !
     
    Duhem arrive à une époque où la Physique dont on pensait qu'elle avait déjà tout découvert est sur le point d'accomplir sa double révolution quantique et relativiste ! La science pour lui ne doit pas rechercher les causes profondes qui se cachent sous ce qu'on observe ! La théorie n'est jamais qu'un moyen de classer les lois mises à jour par l'expérimentation. La théorie est appelée à avancer et à refouler comme les vagues mais globalement, la marée monte !

    Chercher à expliquer le monde revient à considérer des entités invisibles et à recourir à la métaphysique. On sait que dans la philosophie, les racines de l'arbre de la connaissance sont la métaphysique, son tronc la Physique et ses branches la morale ou l'éthique. Si la Science veut réellement être universelle, elle doit renoncer à la métaphysique qui comporte nombre de chapelles !
     
    L'"erreur" de Galilée, qui fit qu'il fut condamné par l'Église est d'avoir présenté sa théorie héliocentrique comme une "Explication" du monde, contredisant les Écritures qui faisaient alors encore la loi. Si l'imprudent savant avait présenté son œuvre comme un simple moyen "technique" de représentation, un "outil" permettant de s'affranchir des épicycles, il aurait éviter bien des désagréments !
     
    La science progresse-t'elle en accumulant des données empiriques ou en commencant par rechercher des explications, des théories ? Duhem cite les théories de la lumière de Descartes comme franchissant instantanément les distances, très vite invalidées par la suite alors que ses lois de la dioptrique, sur la réfraction, donc expérimentales, elle sont toujours valables !
     
    Puis, dans l'Histoire des Sciences, on eut Newton et ses Principes mathématiques de la philosophie naturelle où le grand scientifique dessine les lois de la gravité mais déclare ne pas en chercher les causes ni se risquer en hypothèses !
     
    Au chapitre suivant, Duhem exhume une distinction du philosophe Pascal qui classe les esprits en deux catégories : d'une part les esprits forts et étroits - qui ont une grande puissance d'abstraction mais ne sont pas capables d'englober la totalité du réel - et d'autre part, les esprits faibles et de grande amplitude qui brasse quantités de faits et de donner mais ne pensent pas la théorie et les concepts abstraits ! De là découleraient deux types de savants : d'abord les Français qui conçoivent des systèmes et des théories, s'appuient sur la raison et ensuite les Anglais qui procèdent de manière empirique, se basent sur l'imagination et fabriquent des modèles mécaniques ou mathématiques. La vieille dichotomie entre Francis Bacon et René Descartes, je dirais ! C'est aussi pour cela que la Révolution industrielle s'est développée plus tôt au Royaume-Uni car les ingénieurs sont davantage dans les faits bruts et les données  que les théoriciens du Continent, Français ou Allemands ! Ce chapitre est très intéressant et c'est un aspect qui se vérifie auquel je n'avais jamais pensé !
     
    Une théorie physique est donc un ensemble de propositions logiquement enchaînées, qui ne proposent pas une explication du monde, ne plongent pas dans la métaphysique et permettent de classer un ensemble de lois ! Dans une seconde partie, Duhem s'attarde sur la structure de la théorie physique.
     
    Notre savant-philosophe commence par expliciter les notions de qualité et quantité. En effet, la science physique mesure à priori des quantités et transforment aussi des qualités en quantités. Elle utilise les mathématiques mais pas à la façon d'un géomètre car la Physique est en effet mal assurée et ses données tirées des expériences ne se suivent pas avec la même netteté que les théorèmes et leurs corollaires. La Physique est donc purement quantitative et a les mathématiques comme instrument, avec la logique.
     
    Avec les mathématiques, la Physique établit des relations entre des symboles algébriques. Et à ce stade, notre science est dépendante de la précision des appareils de mesure ! Ainsi, une loi de la Physique sera opérative avec telle précision de mesure mais pas avec des précisions plus fines.
     
    Ceci nous amène, avec Duhem, à établir qu'une théorie et ses lois ne sont jamais définitives ! Elles sont affinées au cours du temps en les comparant avec les données des expériences ! Ces protocoles expérimentaux ne sont jamais neutre et pour les comprendre, il faut avoir assimiler les prérequis apportés déjà par des théories en amont ! La théorie est indispensable pour interpréter les phénomènes ! Ainsi, le fait scientifique et expérimental se distingue du fait de sens commun en ce sens qu'il est plus précis et chargé de données ! Une théorie/une loi n'est ni vrai ni fausse mais elle correspond, est validée ou pas par les faits empiriques.
     
    Ainsi, on affinera l'énoncé d'une loi en englobant de plus en plus d'exceptions et de cas particuliers expérimentaux dans cet énoncé. Duhem donne l'exemple de la loi sur les gaz parfaits qui a tenu ensuite compte de l'influence de l'électricité et du magnétisme.
     
    Une loi de la Physique ne repose jamais entièrement sur l'induction et la théorie et l'intuition jouent leurs rôles. Duhem prends l'exemple de la gravitation pour montrer qu'une théorie ne surgit jamais du seul génie d'un homme fut-il Newton ! C'est un long processus de maturation d'idées qui s'affinent au cours du temps et qui planent dans l'air d'une époque.
     
    Voilà ! Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce livre mais reviendrais assurément sur ce domaine qu'est l'Épistémologie à l'avenir car je veux en faire un de mes sujets de recherche ! Le livre se conclut sur deux annexes où Duhem parle de sa biographie personnelle et de son rapport à la foi qu'il veut bien distinct de son rapport à la science. Et aussi sur la "valeur de la théorie physique" !
     
    Personnellement, j'ai trouvé cette lecture très enrichissante et ça reste accessible à un lecteur un peu initié à ces problématiques !
     
    A bientôt !
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