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Phédon - Platon
"Philosopher, c'est apprendre à mourir", écrivait Montaigne dans ses Essais qui puisait aux sources de l'antiquité ! Dès les débuts de la philosophie, on s'est interrogé sur la mort et il existe, chez les philosophes antiques, une dialectique entre préoccupation de la mort - que l'on prépare - et soucis de soi !
Dans le dialogue socratique du Phédon, composé par Platon, la mort est au cœur du propos ! Il est question du procès de Socrate et de la sentence - l'empoisonnement à la ciguë - qui s'ensuivit ! Socrate accepta le jugement des Athéniens et s'éteignit au milieu de ses amis. Echécrate demande à Phédon de lui raconter les derniers instants de Socrate avant son trépas et, dans ce dialogue éponyme, ceci est prétexte à une réflexion sur la mort !
Quelle est l'attitude du philosophe face à la mort ? Le philosophe, pose Socrate, est celui qui pense à la mort constamment - a lors il serait ridicule pour lui de "faire marche arrière" lors des derniers instants ! Socrate ne prône toutefois pas le suicide car ceci aurait été un motif de condamnation de plus, accusé de corrompre la jeunesse. Il va donner une définition de la mort et procède comme à son habitude par la maïeutique.
La mort est ce qui délie l'âme du corps ! Cette âme rejoint ensuite la demeure des dieux et contemple la vérité ! Car on le sait, "le corps est la prison de l'âme" et parce que l'homme est attaché aux biens matériels, luxe, plaisir et donc empêché par son corps, son âme ne peut accéder aux vérités ! La mort nous rendrait donc plus libre !
On retrouve ici la théorie des idées ! L'âme non liée au corps contemplerait les idées pures. Il y a aussi un jeu de contraire. Socrate avance que la mort étant le contraire de la vie et la mort survenant au terme de la vie, alors la vie pourrait survenir à partir de la mort ! Sorte de réincarnation ou métempsycose ? Influences orientales ?
Le thème de la réminiscence est à nouveau exposé ! A nouveau ou pour le première fois ? Car le Phédon vient avant le Phèdre mais après le Menon - et je ne connais pas toute l’œuvre de Platon - deux tomes en Pléiades - loin de là !
Le dualisme est au cœur du discours : âme/corps, Bien/Mal, immortelle (divin)/mortel, invisible/visible. C'est une constante dans l’œuvre !
Le Phédon est en fait un récit enchâssé ! Phédon nous raconte les dernières heures de Socrate et sa discussion avec ses amis, notamment Simmias et Cébès.
Simmias utilise une métaphore avec la lyre où lorsque la lyre (le corps) est cassé, l'harmonie (l'âme) disparaît. Ce à quoi Socrate réplique que l'harmonie ne peut avoir aucun effet en retour, ni agir sur les cordes tandis que l'âme peut agir sur le corps - contre un certain déterminisme biologique (très en vogue au XXIème siècle !) ! Bref, l'âme ne peut être comparée à une harmonie et l'analogie est fausse !
Cébès utilise l'argument que si l'âme survit au corps - et donc vient "animer" un autre corps, on ne sait pas combien il y a de "cycles" et si la vrai mort n'est pas celle de l'âme ! Socrate utilise à nouveau la théorie des contraires pour le réfuter. Et il évoque au passage les Idées comme explication du monde, on explique ainsi les nombres paires par l'Idée de Dualité.
Socrate établit qu'il convient de se purifier par la philosophie avant de mourir puis fournit une eschatologie, sur le devenir des âmes, guidées par leur Démon - pas au sens du Christianisme ! - ou qui sans guide, errent dans les cimetières, encore attachées aux réalités matérielles (on se croirait dans Ghost Whisperer !) Socrate mentionne aussi la géographie de l'au-delà, la Terre Supérieure et le Tartare où coulent divers fleuves qui font circuler les âmes suivant leur passif !
Puis, c'est le moment poignant, le récit de Socrate buvant le bol de ciguë et demandant qu'on "sacrifie un coq à Asclépios" !
Un dialogue très riche - comme toujours avec Platon - et d'une grande complexité voire difficile ! Je n'ai d'ailleurs pas saisi toutes les subtilités à vrai dire !
A bientôt !
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