• Le Roi en jaune - Robert W. Chambers

    Dans le travail de constitution de ce qu'on a appelé "le Mythe de Cthulhu" par August Derleth, on trouve les Grands Anciens et parmi ces Grands Anciens, outre Cthulhu, le plus connu, il y a aussi Hastur qui est présenté comme son frère et un "esprit de l'air". En réalité, il faut remonter à Robert W. Chambers (et à Ambrose Bierce), auteur à cheval sur les XIXème et XXème siècle pour trouver les premiers mentions d'Hastur et du Roi en jaune (et de Carcosa, la cité mythique). C'est ainsi que Chambers est parfois vu comme un précurseur de Lovecraft ! Arrêtons-nous maintenant sur Le Roi en jaune  qui est un recueil de nouvelles de Chambers, publié en 1895.

    Ce recueil contient en réalité deux parties bien distinctes. La première moitie s'apparente au genre fantastique dont nous rappelons la définition de Tzvetan Todorov qui est quand le lecteur hésite pour un fait entre une explication rationnelle et une explication surnaturelle ! La seconde moitié relève du genre qui fera la gloire et la fortune de Chambers par la suite, à savoir la romance.

    Les artistes - les peintres en particulier ! - tiennent une grande place dans l’œuvre de Chambers et notamment dans ce recueil. Dans les deux parties de l'ouvrage ! Si on regarde la biographie de l'auteur, on apprend qu'il a suivi les cours, entre 1886 et 1892, de l'Académie Julian, une école de peinture ouverte aux Américains (car celle des Beaux-Arts leur est fermée). Chambers a donc vécu six ans à Paris et en montre une bonne connaissance dans les nouvelles "La Rue des Quatre-Vents", "La Rue du premier obus" (qui se passe pendant la Guerre Franco-prussienne en 1870), "La Rue Notre-Dame des Champs" et "Rue barrée" -  à propos de rues, notre écrivain connaît donc bien celles de la capitale de la France, la géographie autour du Quartier Latin et la "vie de Bohême". Ces quatre histoires constituent la seconde moitié du livre et sont donc des romances. Je les ai trouvé bien écrites et pas niaises du tout et même touchant, en particulier la deuxième, "La Rue du premier obus" et sa fin surprenante, inattendue et bien pensée !

    Revenons au Roi en jaune, vous le voulez bien ? J'aurais l"occasion une autre fois de vous parler des suppléments pour le jeu de rôles L'Appel de Cthulhu  que sont "Les Oripeaux du Roi" chez Sans-Détour et d'un des scénarios de  "Cthulhu 90" chez Jeux Descartes (qui tournent autour du Roi en jaune, d'Hastur, du Signe jaune et d'une certaine pièce de théâtre !). "Le Roi en jaune", œuvre dans l’œuvre, est en effet une pièce de théâtre de type symboliste, tellement bien écrite et efficace qu'elle rend les gens qui la voient complétement fous ! On est un peu dans L'Antre de la Folie de John Carpenter !

    Dans "Le Restaurateur de réputations", on se demande si le personnage principal - qui se voit le descendant de "la lignée impériale d'Amérique" et d'Hastur et se prépare à prendre le contrôle du monde - est fou ou pas ! A priori oui mais certains éléments comme une histoire autour d'une armure introuvable sèment le doute dans nos esprit ! Ce personnage qui se nomme Hildred Castaigne deviendra un meurtrier et finira à l'asile ! Sa folie est expliquée par le fait qu'il a lu la pièce "Le Roi en jaune" !

    J'aime particulièrement la nouvelle "Le Masque" qui figure aussi dans la première partie, sur le fantastique et qui voit Boris Yvrain qui expérimente dans son meublé parisien les propriétés d'un mystérieux liquide de son invention qui transforme les êtres vivants en statues de marbre quand on les plonge dedans ! S'ajoute à cela une rivalité amoureuse et le twist final est du à une propriété inattendue de la substance en question !

    On retrouve Jack Scott, un peintre qui apparaît déjà dans "Le Masque" dans la nouvelle "Le Signe jaune". Ces nouvelles fantastiques insistent sur les aspects oniriques, mystérieux et macabres des récits, aspects réunis ici en un savant dosage ! Ici, dans "Le Signe jaune", notre artiste-peintre et son modèle Tessie vont "trouvé le Signe jaune" synonyme de Folie et de Mort et connaîtront une issue funeste tous les deux !

    Je passe sur "La Cour du Dragon" qui est une autre variation sur le Roi en jaune et signalerais "La Demoiselle d'Ys", référence à la ville légendaire et qui se déroule donc en Bretagne et est une légende locale, teintée de poésie, ancrée dans le Moyen-âge et annonce les récits de romance de la seconde partie !

    On a droit aussi, dans l’Édition du Livre de Poche, excellemment réalisée, à un ensemble de poèmes en prose, au centre de l'ouvrage et à la fin à une biographie de Chambers, à un récit d'Ambrose Bierce sur Carcosa et un fantôme et enfin une analyse de la Saison 1 de la série-télé True Detective - dont je ne parlerais pas car n'en ai vu que le Pilote à ce jour !

    Signalons enfin, qu'en guise de transitions entre ces nouvelles, Chambers utilise le "retour des personnages " (certes avec moins d'ampleur qu'un Balzac !) ainsi dans la partie "intrigues amoureuses", on a les trois amis Clifford, Elliott et Rowden qui reviennent !

    J'ai beaucoup aimé ce recueil mais Chambers est encore trop méconnu en France ! Il y a pourtant de quoi faire car il est l'auteur prolifique de plus de quatre-vingt dix livres !

    A bientôt !

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