• Trajectoires Eclectiques N°9 : Vivre avec la Schizophrénie

    Bonjour à toutes et tous !

    Je vais maintenant aborder un point délicat de mon existence et vous faire quelques révélations ! En effet, depuis le début de ma vie d'adulte, je dois pactiser avec une pathologie qui a très mauvaise presse : la Schizophrénie !

    J'entends d'ici ma psychiatre dire "ne dites pas, je suis schizophrène !" mais "Je souffre de schizophrénie" ! Subtilités rhétoriques dont les psys, pas payés pour faire dans la nuance, ont le secret ! Seulement non, docteur, je ne souffre pas vraiment, sinon de l'exclusion sociale et de la stigmatisation qu'engendre la pose de l'étiquette "schizophrénie" !

    Je précise que cela fait 20 ans que je suis comme on dit "stabilisé" ou en "état de rémission" d'une maladie dont on est supposé ne jamais guérir, ma dernière hospitalisation remontant à janvier 2000 ! Nous serons bientôt en janvier 2020 ! Cela parce que je prends consciencieusement mes médocs.

    Déjà enfant, j'étais un peu particulier ! Déjà, j'étais un enfant précoce pas détecté, enfin si détecté par le psychologue de l’École primaire mais sans que cela soit réellement suivi d'effets ! On ne m'a pas fait sauter de classe alors qu'il aurait fallut ! Je m'ennuyais alors terriblement à l'école. Mais bon, il y avait un quota d'élève autorisés à sauter des classes et valait mieux privilégier les deux filles d'une conseillère municipale étiquette RPR de la mairie d'arrondissement - c'était la fin des années 1970. Au lieu de cela, on me mis dans une classe d'enfants à problèmes. Problématique, ma situation familiale l'était aussi avec un père distant et autoritaire.

    Je développais alors ce que dans le jargon on appelle une personnalité schizoïde. J'étais maladivement timide et peu sur de moi mais aussi très intelligent et sensible.

    Au collège puis au lycée, ce ne fut pas simple non plus mais j'avais d'excellents résultats. Un déménagement en cours de scolarité n'aida pas non plus mon intégration sociale.

    Les "premiers symptômes" de ma maladie se déclenchèrent au sortir de l'adolescence - mais déjà ado, il y avait quelques signes comme notamment à un moment la présence de T.O.C. (Troubles Obsessionnels Compulsifs) - de plus, j'étais perfectionniste à l'école ! J'avais tendance à faire des listes d'idées mentalement, réunis en groupes de 4 ou 8 éléments  - une sorte de pense-bête de mes préoccupations ! L'été avant le Bac, je craquais nerveusement chez mes grands-parents à cause des tensions familiales et fondait en larmes sans raison ! Mais j’eus mon Bac D - Biologie - avec Mention !

    Ce fut un burn-out qui déclencha la maladie ! L'aspect "névrose obsessionnelle" est une sorte de mécanisme d'auto-défense qui se mets en place pour maintenir la psychose à distance ! Donc en début de deuxième année de DEUG, je travaillais 18 heures par jour, ne dormant que 6 heures par nuit, durant trois semaines, sans même mettre le nez à la fenêtre ou sortir de la maison ! Le Soir de Noel, j'avais un manuel sur le coin de la table ! Évidemment, j’eus quasiment 18/20 de moyenne mais les semaines suivant l'examen, je devais m'effondrer !

    J'arrivais en retard à mes cours, toujours une idée parasite en tête, n'arrivais plus à suivre les profs, perdait mes affaires, cavalais entre les salles, manquais des cours, n'arrivais plus à dormir ou même faire un break ! Dans un état de panique totale, une psychiatre décida de m'hospitaliser !

    A l'hôpital, on me fit faire une cure de sommeil ! Je récupérais, prenait de la distance par rapport à la fac et parvins ensuite à me remettre au boulot dans de bonnes conditions ! De manière anecdotique, je tombais amoureux - mais cette amourette devait s'avérer un désastre et faire partie des éléments qui me firent rechuter de manière bien plus grave l'année suivante !

    J'eus mon DEUG, là encore avec mention et les vacances passèrent mais je n'en profitait pas attendant des lettres de la fille dont je m'étais épris, lettres qui n'arrivaient pas ! A la rentrée, me pensant guéri et étant tombé sur une psychiatre complétement idiote qui m'avait fait chercher le mot "amour" dans le dictionnaire, j'avais arrêté mon traitement anxiolytique (le diagnostic était alors "névrose obsessionnelle") et je tombais dans une profonde dépression ! Je n'avais plus goût à rien  et je sombrais au moment des examens de Licence de Biochimie, accumulant une belle série de zéros !

    Le réveil fut brutal et je paniquais ! Des profs me firent des réflexions désobligeantes sur mon non-travail, moi l'élève si prometteur, ne comprenant pas ce que je traversais ! Mort de honte, je n'osais plus aller en cours, ! Si quelques étudiants, heureux de me voir chuter, se moquèrent de moi, je fus pris de paranoïa et m'imaginais que toute l'université m'en voulais ! Je pleurais  en cours, en amphi, et me mis à avoir des hallucinations auditives : "t'es con !" disaient ces voix ! Mes parents durent me traîner contre mon gré, de nouveau à l'hôpital !

    Je parvins à me remettre mais plus difficilement ! Cette fois, j'abandonnais la fac et ne devais reprendre que l'année suivante - c'était en 1993 ! - et je changeais de filière, biologie au lieu de biochimie ! Les psychiatres m'avaient coupé de force de mes cours et ne comprenaient pas que je nourrissais une phobie pour les épreuves orales ! J'avais fait ma première "bouffée délirante" !

    Les années suivantes, de 1993 à 2000, furent marquées par mes réticences envers la psychiatrie. Contre avis médical, je stoppais plusieurs fois mon traitement neuroleptiques et à chaque fois rechutais, en général entre 6 mois et un an plus tard ! Côté fac, je mis quatre ans pour décrocher deux licences (diplômes en un an !) et par contre, une seule année pour avoir deux maitrises en même temps en double cursus ! Ma psy d'alors me révéla que j'étais atteint de schizophrénie en 1995, ce qui me choqua profondément ! Je parvins à surmonter ma peur des oraux quand ceux-ci furent supprimés !

    Des rechutes parfois impressionnantes - mais sans acte médico-légal heureusement ! - avec des délires très élaborés ! Moi, je ne fais pas dans les extra-terrestres, le FBI ou les démons mais plutôt dans la mafia thailandaise et le kidnapping ! Je devais m'apercevoir plus tard que ces délires étaient souvent alimentés par des films ou des scénarios de jeux de rôles et comme j'ai une imagination débordante !

    Arrivé aux portes du Troisième Cycle Universitaire, je fut victime de discrimination et compris dès lors que ma maladie était mal perçue par les gens, généralement mal informés !

    2000 fut l'année de ma dernière hospitalisation car dès lors je pris toujours scrupuleusement mon traitement, une injection mensuelle dans la fesse de neuroleptique retard ! Depuis, je mène une vie à peu près normale dans le sens où je n'ai pas de "symptômes positifs" tels les délires ou les hallucinations mais ai des "symptômes négatifs" comme une difficulté à faire les choses qui se traduit par un certain retrait social que le"système" n'aide pas trop non plus ! Il est clair que je suis en déclassement social par rapport à mon niveau d'études !

    Les études justement, j'en refais depuis 2007, dans les Lettres et les Sciences humaines, domaines que j'ai choisis, contrairement à la biologie et à la biochimie où c'était un choix par défaut.  J'écris des nouvelles, publie des recueils, tient ce blog depuis plus de 10 ans ! Je travaille en ESAT depuis à peu près la même durée et vit dans un appartement T2 dans un Foyer où je suis autonome !

    Évidemment, mon rêve serait de vivre de ma passion, les livres, en devenant bibliothécaire ! Je fais des efforts et suis sur la bonne voie !

    En espérant que ce témoignage vous servira à mieux comprendre cette pathologie et ne vous donnera pas l'envie de ne plus venir sur ce blog ! Car quand on est "schizo", notre parole perds souvent de sa crédibilité et on n'est plus pris au sérieux, dussions nous marcher sur la Lune ou trouver le remède contre le cancer ! Regardez le cas de John Nash, le mathématicien dont on se souvient plus de la maladie que de ses travaux sur la Théorie des Jeux !

    A bientôt !

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