• Mes philosophes - Edgar Morin

    La pensée d'Edgar Morin est une pensée complexe, non totalisante et ce grand homme revient sur les philosophes qui l'ont aidé a forger ces idées dans Mes philosophes.Mes philosophes - Edgar Morin

    Mais ce livre n'inclut pas que des philosophes à proprement parler ! Certes, il y a Héraclite, Descartes, Hegel, Heidegger mais aussi des littéraires (Proust, Dostoïevski) et un compositeur (Beethoven).

    On commence avec Héraclite, que Morin a découvert très tôt et qui est venu féconder ses lectures ultérieures. Avec ce présocratique, "tout coule" à l'instar du fleuve et le monde est impermanence où les contradictions sont signes de vérité. Morin note des similitudes avec le Tao, à la même époque, dans l'antiquité. Il y a aussi la plus fondamentale des contradictions, les liens entre vie et mort, s'incluant réciproquement !

    Ensuite, deux chapitres, un sur le bouddhisme où le monde est aussi impermanence, un sur Jésus qui promet une victoire sur la mort.

    Abordons ensuite Montaigne et deux de ses traits : le scepticisme et la tolérance. Morin souligne que Montaigne est, comme Spinoza, comme Marx, comme Freud, un post-marrane. Montaigne nous apprend, dans sa connaissance de lui-même que chaque homme porte en lui l’humaine condition de toute l'humanité.

    Je ne m’appesantirait pas sur Descartes qui introduit le sujet comme transcendance où le moi objectivé se resubjective en moi-je. Morin analyse à son tour le cogito.

    Spinoza nous livre l'idée d'une nature autocréatrice.

    Vient ensuite Pascal qui pose l'incertitude et le doute et est connu pour son pari sur l'existence de Dieu et ses angoisses face à l'infiniment petit et l'infiniment grand !

    Morin apprécie tout particulièrement Rousseau qui réfléchit sur la nature et veut une régénération éthique de l'humain ou encore réconcilier raison et sentiments, Lumières et Romantisme. Dans son Premier discours pour l'académie de Dijon en 1750, Rousseau établit un lien entre morale et progrès qui mènera à nos considérations actuelles notamment sur l'écologie. Rousseau se fait aussi pédagogue. Morin aussi en déclarant vouloir " intégrer l'énergie critique des Lumières mais dépasser leur rationalité abstraite".

    C'est ensuite au tour d'Hegel d'entrer en scène dans le livre de Morin car Hegel est le penseur de la "contradiction et du devenir" qui pose et veut la vérité dans la totalité dans un mouvement "encyclopédant" et à coups de dialectique. On est face à la quête du savoir total et absolu qui est en fait une illusion car la totalité se fait et se défait dans le devenir. Il faut se nourrir des contradictions : le "Vernunft". Ces contradictions sont irréductibles et c'est la grande découverte que fait Morin pour lui-même à cette lecture. Il existe des "ruses de la raison" qui produisent des scories de l'Histoire que l'on ne peut décider. Le concret équivaut à la complexité et Morin fait évoluer la dialectique hégélienne en dialogisme, avec des contradictions indépassables et complémentaires.

    La lecture de Hegel se complète généralement avec celle de Marx et sa praxis révolutionnaire et la notion d'"homme générique". Marx a voulu relier sciences humaines et sciences biologiques et développer les potentialités de l'être humain. Morin a été résistant durant la Seconde Guerre Mondiale et en même temps un communiste stalinien mais il procédera à des révisions personnelles à la fin des années 1950. En un certain sens, pour lui, Marx dépasse Hegel mais il y a nécessité aujourd'hui d’élargir le marxisme - de le dépasser à son tour - avec le pouvoir de l'imagination.

    Arrive ensuite le premier écrivain de mes philosophes, Dostoïevski suivi de toute l'humanisme russe et sa compassion pour la souffrance. Ce génie littéraire a mis l'accent sur le délire humain et les incertitudes de l'homme qui peut être possédé par des idées aussi bien que par des démons.

    Dostoïevski est suivi par Proust qui a su comme lui montrer la multiplicité et la complexité humaine - jusque dans sa phrase ! Ce sont les boucles rétroactives du style proustien et la mise en valeur de la vie subjective dans un élan impressionniste !

    On ne pouvait éviter de parler des psychanalystes : Freud et derrière lui Rank, Jung et Ferenczi. Il est question du rapport à la mort et de la nature semi-imaginative de l'homme qui conduit au névrose qui sont des compromis avec la réalité au moment où le roman commence à explorer la multiplicité de nos identités comme on l'a vu avec Proust mais aussi Joyce et Faulkner !

    Morin aborde ensuite l'Ecole de Francfort avec Adorno, Horkheimer et Marcuse qui ont livré une critique de la raison instrumentale qui conduit au totalitarisme. Ces penseurs ont sur revisiter le marxisme de l'intérieur dans une perspective plus fructueuse que celle d'un Althusser. Concernant la raison, ils ont montré qu'en son coeur naissait la rationalisation. Il y a aussi, place Morin, de la vérité dans les contradictions et non dans la totalité ! Et de préciser que les révolutionnaires sont des marginaux éloignés de la pensée générale.

    Un chapitre est ensuite consacré à Heidegger qui pose le progrès technique comme ressaisissement du monde. Morin souligne à cette occasion qu'il y a deux barbaries : une du fond de l'Histoire et une de progrès glacé et remarque cette nouvelle contradiction dévoilée par Heidegger : le foisonnement des connaissances sur l'homme rend l'homme inaccessible ! D’après Morin, ceci est du à une compartimentations des savoirs, un flou artistique général !

    Un long chapitre séquencé ensuite sur les penseurs de la science : Bergson et la créativité naturelle, l'"élan vital" et le rapport ordre/désordre, Bachelard et sa complexité du réel, complexité qui est non réductible ou Piaget qui analyse les rapports entre les sciences et pose la connaissance inscrite dans la vie. Il y en a d'autres, des penseurs de la science qui sont mentionnés : Von Neumann, Popper ou Husserl !

    Un chapitre court sur le surréalisme et le lien entre prose/poésie qui équivaut à utilitarisme/émerveillement où le rôle de l'imaginaire qui vient compléter la raison pour connaitre le réel !

    Un mot ensuite d'Ivan Illich, ce penseur de 1970 qui dévoile le mal-être psychique comme enjeu de civilisation.

    Enfin, est évoqué la "pensée sublime" de Beethoven !

    On voit donc que toutes les lectures qui ont fait le parcours de Morin se complètent les une les autres dans un rapport dialogique.Morin ajoute que plus nous nous connaissons nous-même, plus nous connaissons le monde et réciproquement.

    L'idée maitresse à retenir est qu'il vaut avoir recours à la Reliance - confronter dialogiquement les idées - pour espérer quelques brides de connaissance d'un savoir total inatteignable à jamais !

    Comme vous le voyez, il y avait beaucoup à dire ! Un livre peu épais mais très dense !

    A bientôt !

     

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