• Les Héritiers - Bourdieu et Passeron

    Faisons un peu de sociologie ce soir avec un des ouvrages les plus fameux de Pierre Bourdieu, coécrit avec Jean-Claude Passeron et qui porte sur le milieu étudiant des années 1960 - qui connaissait alors déjà une forte expansion avec la génération du baby-boom arrivant en âge d'étudier à la fac ! Il s'agit de l'ouvrage Les Héritiers - sous-titré Les étudiants et la culture. Les constatations de nos deux spécialistes restent on-ne-peux-plus valables aujourd'hui, en 2018, où on a dépassé le million d'étudiants !

    Bourdieu et Passeron constate une inégalité des jeunes gens confronté au milieu scolaire et universitaire. Les classes les plus défavorisées économiquement le sont aussi scolairement et l'école reproduit ces inégalités tout en se masquant réalité !

    En effet, on présente la réussite scolaire sous la forme du don ! Il y a des étudiants qui ont des capacités naturelles à apprendre ! C'est vrai mais on est là dans une étude sociologique et on ne doit pas se reposer sur la nature ! De fait, assez logiquement, les différents dons devraient être également répartis dans les différentes classes sociales. Or ce n'est pas le cas ! L'"École du Mérite" du discours officiel est disqualifiée :

    Ceux qui accèdent le plus à l’université sont les fils de cadres et de professions libérales - les enfants d'ouvriers et de paysans se voit mis sur la touche et minoritaires ! Comment expliquer cela ? Par des difficultés économiques (payer les études !) mais pas seulement ! Tout cela tient à une différence culturelle !

    Les enfants des classes aisées ont plus facilement, par leur milieu, accès à la culture savante telle qu'elle se pratique hors du cadre scolaire. Les élèves des classes populaires vont se limiter aux lectures du programme là où les fils et filles de bourgeois vont fréquenter le théâtre et le musée. D'où une certaine aisance de ceux-ci ! L'école ne vient donc que valider des inégalités !

    On dira aussi que les enfants des classes populaires sont plus "scolaires" dans l’exécution de leur devoirs à l'école, plus laborieux.

    Nos deux sociologues notent que les classes populaires envoient leur progénitures plus facilement vers les facs de Sciences et que les jeunes femmes se destinent surtout à la fac de Lettres (et en Pharmacie très féminisée) - tandis que la Médecine et le Droit restent très bourgeois.

    Dans un deuxième temps, Bourdieu et Passeron essaient de voir si on peut parler de corps étudiant, si il existe un ensemble homogène d'étudiants comme une sorte de "classe sociale" et en conclut que non. L'étudiant étudie... Point ! Et ne socialise pas !

    Les études sont vues par les étudiants les plus aisées comme un jeu - avec un caractère d'irréalité - déconnectée des préoccupations professionnelles donc de sa finalité ! Là où les étudiants des classes les plus modestes  -qui auraient pu ne pas accéder aux études - voient plus ces finalités en rapport à un métier - qui ne leur est pas assuré : - et peuvent moins se permettre le dilettantisme.

    Le rapport et les différences entre facs de provinces et facs parisiennes est également abordé , la Capitale permettant d'approcher au plus près la vie intellectuelle là où elle se déroule !

    Bon, nos deux auteurs dressent in constat... Mais proposent-ils des solutions ? Il semble que oui ! Il est recommandé de passer d'un mode d'éducation "traditionnel" à un mode plus "rationnel" où le professeur explicitera ses attentes et les finalités des exercices, travaillera en petits groupes plus encadrés et tiendra compte des spécificités de chacun - pour ce que j'en ai compris !

    Bourdieu et Passeron livrent là une vision particulièrement lucide et critique de notre système d'enseignement supérieur - ce qui ne plu pas à tout le monde et Bourdieu se vit déverser un paquet d'injures lors de son décès ! A notre époque de médiocrité, où l'ascenseur social est plus que jamais bloqué, on lira avec profit Les Héritiers qu'on mettra en parallèle avec l'autre livre des mêmes auteurs, La Reproduction !

    A bientôt !

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