• Le conformiste - Alberto Moravia

    Rétrospectivement, on est appelé à se demander comment des peuples vivants en démocratie sont amenés à porter au pouvoir par les urnes des dirigeants qui instaurent ensuite des dictatures ! La question se pose évidemment pour le régime nazi allemand et l'Italie fasciste de Mussolini !

    Le conformiste est un roman d'Alberto Moravia, publié en 1951, au lendemain de la guerre. Il reçut le prix Strega en 1952.

    Dans ce roman brillant, Moravia s'intéresse aux mécanismes psychologiques qui font que des citoyens Le conformiste - Alberto Moraviaordinaires sont conduits à devenir les rouages d'un régime totalitaire.

    Pour Moravia, il semble que la motivation pour adhérer au fascisme soit a rechercher dans un dérèglement mental, une "anormalité".

    Le récit est raconté à la troisième personne en focalisation sur le personnage de Marcello Clerici, un enfant de 13 ans livré à lui même. Le prologue relate cette enfance. Il est porté vers des pulsions de morts, commets des actes de cruauté, commence par décapiter des fleurs puis par tuer des lézards et finalement un chat. Il rêve aussi de tuer son ami, de posséder un revolver et développe une ambiguïté sexuelle sous une apparence efféminée, ce qui lui vaut d'être maltraité par ses camarades de classe. 

    Ses parents ne lui sont d'aucun recours. Ceux-ci, censés apprendre à leur enfant à distinguer le Bien du Mal, vivent par ailleurs une grave crise conjugale et  fuient leurs responsabilités : la mère est une sorte d'adolescente attardée et le père, gagné par la folie, est porté à des actes de violence ! Ceci fait que le développement de Marcello va se trouver entravé et celui-ci gardera une personnalité immature !

    Le thème de la fatalité revient comme un leitmotiv dans le roman, hérédité de Marcello, formules prophétiques de la cuisinière de la famille ("qui tue un chat finira par tuer un homme !") et d'un clochard lors du mariage de Marcello et Julie.

    L'enfant Marcello Clerici est donc marqué par l'anormalité que viendra renforcer la rencontre avec Lino, prêtre défroqué pédéraste. Dès lors, Marcello fera porter toute la responsabilité de son destin à cette rencontre. L'incident se termine par le meurtre supposé de Lino par l'enfant qui lui tire dessus et s'enfuit - on est en 1920. Or on verra qu'il n'en est rien. A la fin du roman, Lino est toujours en vie et dira que "tout un chacun perd un jour son innocence."

    Le cadre est celui de l'Italie fasciste de Mussolini. C'est donc un roman à thèse qui dénonce le fascisme et essaie d'analyser les mécanismes qui font que l'on adhère à de tels mouvements politiques.

    En 1937, Marcello a 30 ans et travaille au Ministère de l'Intérieur ! Mussolini est au pouvoir et le gros du peuple, par conformisme passif, le suit voire même le soutient ! Marcello lui collabore activement au régime fasciste ! Il commets toujours de petits actes de délinquance, comme autrefois, mais de manière cachée !

    Ses supérieurs vont lui demander de se rendre à Paris pour participer à l’élimination physique de Quadri, son vieux professeur de philosophie, opposant politique actif. De plus l'anti-héros vient de se marier et il fait coïncider cet acte consistant à assassiner un homme avec son voyage de noces à Paris avec une jeune femme qu'il espère naïve !

    En réalité, Marcello commets ces deux actes : meurtre et mariage, afin d'avoir "une vie normale", de rentrer "dans le moule", lui qui a une personnalité dérangée ! Il n'aura plus que cette obsession, ressembler à la masse et dans l'Italie fasciste ce qui signifie précisément adhérer au fascisme  Mais de fait, c'est une contradiction et le nouveau marié ne fait que prolonger son passé !

    Conformisme et délinquance entretiennent des rapports compliqués dans ce roman ! Ils ne sont pas forcément incompatibles ! Le conformisme de Marcello ferme les yeux sur les travers du régime fasciste ! Le personnage de Moravia s'engage dans une entreprise risquée pour sa tranquillité d'esprit qu'il n'obtiendra pas ! Sa haine se tourne vers un prof de philo donc un pédagogue ! Il se venge aussi de cette façon de son professeur de collège qui ne le protégeait guère de ses petits camarades.

    Mais le professeur a une femme dont Marcello tombe immédiatement amoureux ! C'est le seul moment du roman où il montre des sentiments élevés ! On s'aperçoit alors qu'il n'idéalise pas ses chefs, trouve même le régime infâme, n'a pas vraiment de pensée politique, et est davantage complètement nihiliste ! En tout cas, son adhésion n'est pas politique !

    A la fin de la guerre, la fatalité, venue du ciel viendra régler le sort de Marcello, emportant aussi sa femme et sa fille au passage.

    Il est à noter qu'il existe une adaptation cinématographique de ce roman, signée par Bernardo Bertolucci, en 1970.

    A bientôt !

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