• Joker - Todd Phillips

    Parlons maintenant de Joker, film de Todd Phillips, sorti en 2019 et qui a connu un véritable triomphe au Box-Office mondial et pléthores de critiques élogieuses et de nominations et récompenses à de nombreux festivals (Mostra de Venise, Oscars, Golden Globes, Césars, etc,...). On ne peut que saluer l'extraordinaire performance de l'acteur Joaquim Phoenix qui, dans ce film de super-héros (d'après les personnages de DC Comics) qui n'en est pas un, campe  Arthur Fleck qui va se transformer en dangereux tueur psychopathe, le Joker, le pire ennemi de Batman !

    Alors certes à première vue, le propos semble se résumer à "Joker est devenu Joker parce que la société a été méchante envers lui" et on a reprocher au film son apologie de la violence - objectif que dément Todd Phillips le réalisateur ! Le film fait en réalité effet de catharsis et d'exutoire dans le climat de contestations sociales actuel un peu partout dans le monde auquel il fait écho ! Il ne s'agit pas d'un simple défoulement pour bourgeois en manque de frissons mais il y a bien un propos politique sous-jacent !

    Après, on est en droit de penser qu'"une société qui célèbre un tueur en série est une société qui va mal". C'est un peu plus subtil que ça ! Joker est violent mais en réaction à la violence de la société ! Il se fait justice et punit les méchants. Il sombre dans la folie une fois qu'il a tout perdu et qu'on a rejeté tous ses appels à l'aide. Apologie de Richard Durn ?

    La construction du film est remarquable et il appellerai plusieurs visionnages ! La famille Wayne apparait dans ce film mais Thomas Wayne est particulièrement odieux et manifeste le mépris des oligarques pour des gens comme Arthur Fleck. Arthur pense être un moment le fils du milliardaire mais il s'avérera que sa mère Penny Fleck est folle, affabulatrice et une mère abusive ! A moins que ce soit Thomas qui soit dans le déni, un léger doute subsiste même si la famille Fleck est folle à lier de mère en fils, fils adopté par ailleurs.

    Arthur va basculer et commettre, alors qu'il est en tenu de clown (sa profession) son premier meurtre quasiment en état de légitime défense contre trois abrutis de traders ! Mais la société n'en a cure et c'est la société qui va fabriquer le Joker qui dès lors accumulera les meurtres contre toutes les personnes qui se sont moquées de lui. Murray Franklin, un sale animateur télé qui fait des shows dans le style de Jimmy Kimmel et joué par Robert de Niro, va en faire les frais, pensant profiter de sa position en haut de cette société pourrie, dans une ville sale, pour se moquer d'un jeune humoriste débutant, le pauvre Arthur ! Murray va se faire flinguer en direct apothéose du film et c'est jouissif tant le présentateur est pourri et antipathique !

    A la fin du film, l'émeute gronde et Gotham est en feu, le Joker est devenu un symbole et la "tragédie (de sa vie) a viré à la comédie" selon ses dires. On sait que dans la réalité, ce ne sont pas les méchants en position de pouvoir, les oligarques, qui sont punis mais toujours les pauvres gens - attention donc à ne pas mélanger réalité et fiction. Joker détruit cette société gangrenée mais que construit-il derrière ? Rien à vrai dire !

    Le crime que combat Batman, ce "fasciste", n'est que le résultat du mépris des oligarques. D'ailleurs dans le film, tous ses évènements conduisent au fameux meurtre du couple Wayne devant les yeux de leur fils Bruce et on peut donc dire que le Joker et Batman sont nés la même nuit !

    Il y a quelques clins d'oeil bien sympas dans le film : Charlie Chaplin, autre amuseur public et son film Les Temps modernes dans lequel il se livrait déjà à un critique de la société capitaliste, qui exige la performance des individus, Zorro autre vengeur masqué et évidemment la présence de De Niro fait penser à Taxi Driver, autre film où le "héros" pête les plombs ! Tout un métatexte donc !

    La folie d'Arthur va jusqu'à lui faire s'inventer une petite amie et il y a donc une part de responsabilité individuelle par la suite ! Vraiment ? Arthur est-il responsable de son état ou la société ? Ce film permet de lancer une intéressante réflexion sur la liberté et les déterminismes (génétique, sociétale,...). Débat complexe donc ! il est vrai qu'il lui arrive un peu trop de malheur dans sa vie !

    Alors, le Joker porte-étendard de la contestation montante ? Je n'espère pas même si je soutient à fond les Gilets Jaunes car en optant pour la violence, Arthur se décrédibilise d'une certaine façon et Batman le rattrapera ! Il ne faut pas oublier qu'il est fou ! Il ne s'agit pas que d'un propos "peuple contre élites" même si c'est une deuxième grille de lecture qui s'ajoute à la première sur la liberté et la responsabilité ! C'est en tout cas plus intéressant que "c'est la société qui a rendu méchant Arthur Fleck" !

    Tous les gens dans la misère ne deviennent pas des criminels ! Encore qu'il faut se poser la question de qui définit les lois ? Dans le film, Arthur n'est en tout cas pas aidé par sa psychiatre - qu'il finit par tuer aussi à la fin !

    Joaquim Phoenix, répétons-le, ici excellent surtout quand il fait le fou rire de son personnage affublé de ce handicap nerveux !

    En aucun cas un film prétentieux mais un chef-d'oeuvre ! Un drame de référence ! Peut-être le film le plus important de ces dix dernières années ? Le cas du Joker ne rélève pas du fait divers.

    A bientôt !

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