• Je remballe ma bibliothèque - Alberto Manguel

    L'auteur originaire d'Argentine, Alberto Manguel, est une référence pour tout ce qui touche au monde des livres, des bibliothèques et de la bibliophilie. C'est un écrivain, traducteur et critique littéraire auquel j'aime bien me référer et revenir étant sensibilisé au monde des bibliothèques et suivant moi-même actuellement un Master Métiers du Livre. J'ai déjà eu l'occasion ici de parler de deux de ses ouvrages en forme d'essais romancés : La Bibliothèque, la nuit et Une Histoire de la Lecture.

    On comprendra que Manguel accorde une grande importance à sa propre collection de livres ! Mais, pour son malheur (?), il est aussi un grand bourlingueur, de l'Argentine au Canada, d'Israel à New York en passant pas la France. Ceci implique donc de déménager sa bibliothèque fréquemment, ce qui est pour lui un crève-coeur ! Le livre Je remballe ma bibliothèque - Une élégie & quelques digressions raconte à l'occasion de ces voyages diverses considérations en plus par rapport à l'oeuvre précédente sur le monde des livres ! Cela commence par un nouveau déménagement et se termine avec l'auteur nommé directeur de la Bibliothèque de Buenos Aires, poste qu'occupa jadis le grand Borges !

    Manguel commence par nous narrer ses expériences de constitution de ses propres bibliothèques. Aussi loin qu'il remonte dans l'enfance et ses souvenirs, il a toujours possédé et collectionné des livres ! C'est alors un véritable rapport affectif qui se noue entre lui et cet objet ! La littérature nous donne une expérience valable du monde, nous fait éprouver des sensations bien avant qu'on ne les ressentes par nous même en situation. Et encore, "on lit pour poser des questions" - selon la correspondance de Kafka !

    L'auteur intercale entre son propos principal des chapitres plus courts qu'il nomme "digressions" et qui s'insère parfaitement dans la trame principale. il y a ainsi une dizaine de ces digressions ! Par exemple, dans la première, il note que toute lecture appelle d'autres lectures. Les livres forment des réseaux et en être privé peut entrainer la dépression chez certains lecteurs passionnés !

    Se pose ensuite la question de "comment organiser sa/une bibliothèque ?". De plus, ces dépôts de savoir ne sont pas à l'abri des aléas, tels les incendies !

    Comment nait l'oeuvre, le récit, dans l'imagination de l'écrivain ? Ceci est un grand mystère que Manguel illustre par des références à Robert-Louis Stevenson qui eut, parait-il, l'idée de Docteur Jekyll & Mister Hyde suite à des terreurs nocturnes. Edgar Poe, lui, semble livrer une fable écrite pour l'occasion lorsqu'il évoque la genèse du Corbeau !

    Notre essayiste reprends évidemment des thématiques et des problématiques qu'il a déjà abordé dans de précédents ouvrages. Mais ici, il assiste sur le côté emballage/déballage/remballage des livres  - entre vie et mort des ouvrages !

    Une considération intéressante, toujours sur la création d'un roman, est celle de savoir si le poète doit véritablement être malheureux pour être prolifique. C'est en effet un lieu commun dont le critique argento-canadien s'attache ici à montrer qu'il n'est pas forcément vrai !

    Le romancier, l'écrivain, le poète sont évidemment aussi tributaires de la langue avec ses règles et ses codes. Mais ce sont des normes qu'ils se réapproprient allant parfois jusqu'à les réorienter. Evolutions de la langue. Chaque langue est spécifique et produit sa propre littérature.

    Manguel ne peut évidemment pas s'empêcher de mentionner Jorge Luis Borges, son modèle, devenu aveugle à la fin de sa vie, et qui ne conservait, contre toute attente, à peine qu'"une centaine de livres" qu'il n'avait par ailleurs aucun mal à offrir. Notre cher Alberto, dans sa jeunesse, faisait d'ailleurs la lecture au Grand Homme qui connaissait par coeur les contenus des ouvrages malgré sa cécité !

    L'ouvrage ne serait pas complet non plus sans l'évocation de la célèbre Bibliothèque d'Alexandrie dont les multiples destructions nous privèrent d'oeuvres inédites d'Homère, d'Aristote et des grands tragédiens grecs !

    Collectionner des livres est aussi un moyen d'avoir de l'emprise sur les choses, au-delà de l'aspect "Savoir égal Pouvoir". Manguel nous parle alors de sa grand-mère, Juive exilé qui perdait tout le temps ses affaires. Sacré Mamie !

    L'Homme a-t'il le droit de créer ? Ou cette attribution est-elle l'apanage exclusif de Dieu ? Selon la Genèse, Dieu laissa à Adam le soin de nommer les animaux. De les nommer ou de reconnaitre des noms préexistants. Le Décalogue impose aussi de ne pas fabriquer d'idoles. Que devient alors la peinture ? S'agit-il de ne pas concevoir d'images de faux-dieux ou d'images dans l'absolu ? C'est une vieille question qui  n'est pas résolue, divise les théologiens et que Manguel nous rapporte. Une autre illustration nous est fourni par la légende juive du Golem. Et Dieu n'est-il pas le Verbe ?

    Les livres veulent refléter le monde et le réel mais de manière imparfaite - à cause des imperfections du langage. Ce langage est défini dans les dictionnaires dont Manguel nous retrace aussi une brève histoire. La littérature, elle, ne fait jamais que répéter les mêmes motifs en outre.

    Est évoqué aussi le rapport entre littérature et rêves. Pour aller plus loin que le cas de Stevenson, la littérature est parfois transcription de rêves - on pense à La Divine Comédie de Dante ! Mais même ainsi, pointe Manguel, le rêve ne possède jamais la cohérence du récit de rêve qui est une reconstruction.

    Manguel termine enfin en évocation sa nomination à la Bibliothèque de Buenos Aires avec quelques considérations très utiles en politiques de la lecture. Il convient d'encourager les gens à lire car c'est une école de la vie - certes par procuration, j'ajouterais ! - mais une école de la vie et de l'introspection tout de même ! En lisant, on revient et on réfléchit au calme sur nos expériences, on leur trouve un sens !

    Concernant ces initiatives pour la lecture, je vous parlerais bientôt de l'initiative "Facile à lire" lancée notamment par les bibliothèques de mon réseau Caen-la-Mer, projet que je suis de loin !

    Il est possible que j'ai moi-même à effectuer un déménagement dans les prochains mois ! je ressentirais alors la tristesse de devoir emballer les contenus de mes cinq bibliothèque à mon tour ! La encore, le livre de Manguel m'aura fait vivre une expérience par anticipation - conformément au propos - le voyage de mes livres !

    A bientôt !

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