• Eloge de la philosophie en langue française - Michel Serres

    Michel Serres - "de l'Académie Française" se penche ici sur les philosophes qui ont pensé hors des institutions, contre les formes de pouvoir, souvent en risquant leur vie !

    Il constate préalablement, en France dans notre cas, l'affrontement de tout temps de communautés intellectuelles, Platoniciens contre Aristotéliciens, spiritualistes contre matérialistes, Catholiques contre Protestants etc... C'est une lutte perpétuelle de l'exclu qui porte l'innovation - contre la doxa et la pesanteur du système.

    Serres prône, pour bien penser, l'acquisition d'un savoir encyclopédique, mêlant humanités et sciences. Il se méfie des médias de masse et pousse à choisir entre information - manipulée - et savoir. C'est aussi la question du sujet contre l'être assujetti !

    Dans ces luttes, le rôle de la langue est primordiale et est historiquement le reflet de la translatio studi. Il existe en effet, par la langue, des cultures asservies et elle est un objet de pouvoir (de savoir donc de pouvoir comme dirait Foucault !).

    Serres bâtit ensuite une conception d'un "monde sphérique" (donc fatalement clôt !), parcouru de lignes faites de bifurcations (car ce monde n'est pas plat mais accidenté - métaphore pour les "accidents de la vie" !).

    La théorie moderne du chaos est essentielle car les petits hasards initiaux conditionnent de grandes conséquences. La Terre est notre "Maison Terre" et instable, chaotique. La question de la stabilité du Système solaire fut interrogée au début de l’ère contemporaine par Laplace et Poincaré. On est encore dans ce débat, selon Serres ! Il y a une similitude entre le début et la fin du XXème siècle. Ce livre, Éloge de la philosophie en langue française est écrit en 1995 !

    Se pose ensuite l'opposition entre déclaratif et procédural, la voix et le pas...

    Les philosophes convoqués dans cet essai sont Descartes, Leibniz, Rousseau, Bergson, des savants et des artistes aussi : Laplace donc, Poincaré, Berlioz, Monet, Condorcet, Peguy, Hadamard, Perrin, Debussy, Julia, Comte et Duhem.

    Il y a une continuité et une interrogation constante au long du XXème siècle sur les rapports entre théorie et expérience, troublé par le gâchis des deux Guerres mondiales qui a ruiné la réflexion au XXème siècle et entrainé le ressassement !

    Ce fut au cours du siècle d'abord -au milieu de celui-ci, l'influence allemande -qui éclipsa cette philosophie française - Hilbert, l’École de Vienne, Husserl et Heidegger, les savants allemands derrière Planck... L'Amérique prit le relais après la Seconde Guerre mondiale. La conception des premiers ordinateurs - et leur puissance de calcul procédural - font revenir les intuitions de Poincaré. La deuxième moitié du siècle fut aussi l'apogée de la philosophie analytique !

    Car c'est bien là qu'est la problématique : entre le déclaratif, l'analytique, la théorie et l'expérimentation, le procédural, l'application concrète et le cas particulier ! Il y a aussi une opposition entre hasard et déterminisme que les lois générales et les démarches procédurales tentent toutes deux de fixer ! Il y a certes une complexité dont le fait de rapporter à des lois générales traduit une paresse d'esprit.

    Il y a ainsi deux mathématiques : la déclarative et la procédurale (ou algorithmique). Déjà Leibniz était dans le procédural avec sa machine à calculer, opposé à Descartes et sa raison qui devait tout retrouver ! Il s'agit aussi de faire un choix entre "raisonner" et "recopier" (d'où l'Encyclopédie). D'un côté les particularités locales, les cas particuliers de l'autre la théorie générale à l'image par exemple de l’opposition entre loi juridique et jurisprudence !

    Pour Serres, la "connaissance prend naissance dans le procédural" ou on aurait pu dire encore que la théorie découle de l'expérimentation ! C'est l'alternative entre Idée platonicienne et Aristote et les substances individuelles ! Vieux débat donc !

    Évidement, consigner tout le particulier impose des moyens matériels de stockage ! Mais répertorier, conserver tous les détails est possible à l'air du numérique (et je vous renvois à Petite Poucette, le dernier livre de Serres sur le "miracle internet" !).

    Ce stockage et ce passage par le cas particulier évite de recourir trop vite à l’abstraction qui est une économie de pensée et de mémoire !

    Serres invite donc le philosophe en chacun de nous à prendre son bâton de pèlerin sur des chemins tortueux, des routes comme autant de parcours de vie, à se construire sur nos expérience et à ne pas avoir peur de clamer nos convictions contre les institutions sclérosantes si besoin. Selon lui, les Universitaires, trop perdus dans la théorie, ne sont plus au contact de ce concret - avec ses risques - qu'il revendique ! Plaidoyer pour une philosophie "engagé" dans le concret, pour une existence concrète !

    Sur ces mots plein de sagesse, je vous dis à bientôt !

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  • Commentaires

    1
    jerome
    Jeudi 20 Avril 2017 à 15:17

    Vous avez le livre en e-pub ?

    merci d'avance !

    J

      • Jeudi 20 Avril 2017 à 19:56

        Non

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